Ce tome 2 croise les fils d’une intrigue démoniaque relevant à la fois du thriller, de la fantasy, pour la part magique dans un cadre moyenâgeux, et du fantastique avec son atmosphère digne des meilleurs Nosferatu. Stefen Desberg convie ses lecteurs à suivre la déchéance d’un homme qui a voulu se confronter à l’inconnu et son évolution dans un milieu qu’il ignorait. Il mêle, à une enquête de type policier, tout un volet fantastique avec des créatures capables de se transformer. Il met en scène deux clans, dans ces “monstres”, et introduit une drogue qui permet d’ouvrir son esprit à de nouveaux stades. Mais le propos philosophique de l’auteur n’est-il pas de suggérer que chacun d’entre nous abrite un monstre, une entité maléfique qui peut se réveiller à tout moment sous l’effet, par exemple, d’une commotion, d’une forte émotion ou de la prise d’une substance qui permet l’accès à de nouveaux concepts ? On retrouve ces paradis artificiels chers à tant de nos contemporains.
Harmond est le fils héritier du seigneur Ellmander. Il est déchu de son titre, perd sa femme et ses deux enfants, quand il rencontre une créature qui le marque de ses griffes, une marque qui prouve qu’il s’est accouplé avec une bête. Il est devenu H.ELL., un questeur criminel exerçant sa fonction au donjon de la Capitale. Quelques jours plus tôt, il a tué une créature, pensant en avoir fini avec ce qui terrorisait la ville. À la morgue, Teroueg n’a jamais étudié un tel cadavre. À côté, gît le celui d’un jeune homme mort en prenant une nouvelle drogue, le Poison bleu, qui fait fureur dans certaines parties du port. Mais les créatures se multiplient. Les meurtres continuent et la terreur s’installe. Harmond cherche réconfort et aide auprès de Nayade, une multiforme. Avec elle, il comprend d’où vient la menace. Mais il est sous la surveillance de gens qui ne lui veulent pas du bien. Dame Erline, son ex-épouse, est impliquée dans un dessein mystérieux. Et la peur, dans toute la ville, n’a jamais été aussi forte…
Le scénariste génère un climat de peur, d’angoisse relevant de l’esprit du thriller avec une menace constante qui peut surgir à tout moment, n’importe où. Il se fait acerbe, cinglant, quand il “croque” ces seigneurs, ces nantis qui ne pensent qu’à leur sécurité en se moquant bien du sort du reste de leur communauté. Bernard Vrancken, le complice du scénariste pour la série I.R.$, change radicalement de registre. Son graphisme est moins réaliste, donnant des images plus fantasmagoriques avec des décors et des paysages, tant ruraux qu’urbains, de belle facture, presque des tableaux.
Avec H.ELL, les deux créateurs offrent un nouvel univers captivant peuplé de créatures cauchemardesques, avec une galerie de personnages attractive, un rythme soutenu dans la narration et l’installation d’une atmosphère tragique. Une série à suivre avec grand plaisir.
serge perraud
Stephen Desberg (scénario), Bernard Vrancken (dessin), Mikl (couleur), H.ELL, tome 2 : “La Nuit, Royaume des Assassins”, Le Lombard, mars 2015, 56 p. – 14,45 €.