Quand le burlesque se fait grotesque
S’il est un miracle absolu concernant cette pochade dégoulinant de pseudos bons sentiments, c’est moins celui de l’auteur l’ayant écrit en quelques semaines et étant parvenu à en faire un best-seller que tout le monde s’arrache que celui d’un récit inepte, épinglé avec de gros ficelles et que les lecteurs semblent pourtant trouver recevable. Ce n’est pas tant l’idée en elle-même (les déambulations fantaisistes d’un sous-fakir exploitant la crédulité de son public et débarquant en France pour y acheter un lit à clous chez Ikéa avant que d’être trimbalé par erreur dans une armoire aux quatre coins du globe) que l’on fustigera ici que la structure formelle qui l’expose : de courts et loufoques chapitres “internationaux” qui expédient les portraits psychologiques des protagonistes rencontrés par le héros malgré lui avec des rebondissements téléphonés toutes les trois pages.
Si le ton se veut certes loufoque et déjanté, la prétention à l’épopée picaresque tourne vite court : le comique de répétition lasse au bout de deux chapitres, les lourdeurs des parenthèses commentant les noms indiens, les apartés adressés au lecteur, tout cela renvoie à une littérature de gare caricaturale qui a eu son heure de gloire jadis mais dont est surpris qu’elle puisse trouver ici des adeptes… La dimension moralisatrice à propos des clandestins et des migrants visant à nous arracher des larmes de crocodile et aux des relents frelatés de vieux combats léninistes-marxistes contre le grand Capital est pour sa part tout simplement pathétique.
Un ensemble d’un ennui total, qui se perd dans la profusion des genres littéraires en kit et qui est à la littérature ce que Ikéa est à l’ameublement : la prétention à l’originalité mais ô combien ! standardisée parce que adaptée plus prosaïquement au porte-monnaie du client.
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frederic grolleau
Romain Puértolas, L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, Le Livre de Poche, mars 2015, 312 p. — 7,30 €.
Si vous êtes allé jusqu’au bout, chapeau !
Pour ma part, j’ai abandonné au bout de vingt pages…