Une vérité délicate et scabreuse
Dave Gurney, l’as du NYPD, a bien du mal à concilier son goût pour la résolution d’énigmes avec une retraite dans une zone rurale. Il trouve plus motivant de traquer la vérité dans des affaires criminelles que de construire un poulailler pour un coq et trois gallinacées. Face à un tel choix, Dave n’hésite guère tout en culpabilisant vis-à-vis de Madeleine, son épouse, qui se réalise dans les travaux ruraux.
Parce qu’il a aidé Dave dans l’affaire du Bon Berger (Ne réveillez pas le diable qui dort – Grasset 2013), Jack Hardwick a dû démissionner de la police. Il travaille maintenant en enquêteur indépendant avec un avocat. Il cherche des éléments pour étayer un appel dans une affaire qui a défrayé la chronique. Kay Spalter a été condamnée pour une tentative de meurtre sur Carl, son mari, pendant que ce dernier enterrait sa mère. La balle l’a paralysé, le transformant en “légume”. Au début du procès, il était là, proclamation vivante du crime, mais il décède rapidement.
D’après Jack, cette femme est victime d’une machination. Les preuves ont été fabriquées par un flic pourri qui a agi par vengeance personnelle. Dave se laisse convaincre et, après étude du dossier, débute une série de contacts.
Plus il avance, plus il est effaré par ce qu’il découvre. Si Carl est l’arriviste forcené prêt à toutes les compromissions, à toutes les vilenies pour parvenir à son but, sa fille Alyssa est une « petite pute démente qui s’adonne à la drogue.» et Kay, sa seconde épouse, est une femme sans cœur. Il visite les lieux du drame et découvre que, depuis l’appartement d’où Kay aurait tiré sur son époux, il est impossible de l’atteindre, même pour un tireur d’élite. Mais Dave et Jack vont aller de surprises en surprises avec l’arrivée dans l’affaire d’un homme dont l’allure d’enfant lui vaut le surnom de Peter Pan…
Pour ce quatrième roman, John Verdon propose une intrigue tortueuse à souhait, riche en rebondissements, en retournements de situations. L’action est très présente même si l’auteur privilégie la déduction, la recherche des failles dans les comportements, dans les attitudes, dans les déclarations. Il montre la face noire des individus, celle qui prévaut communément dans les motivations cachées. Une large part de l’intrigue s’appuie sur un faisceau de références psychologiques et sur une connaissance approfondie de la nature humaine. Il excelle à montrer que l’Homme n’est pas une créature rationnelle comme celui-ci veut le faire croire, “que sa prétendue logique n’est que la façade lumineuse de motifs plus troubles”.
Et John Verdon sait les exprimer et les mettre en scène avec brio. Mais il ne néglige pas les contingences physiques et physiologiques des humains. Il apporte à celles-ci la même attention que pour le psychisme, allant, par exemple, jusqu’à utiliser la différence des sons produit par la miction féminine et masculine. Il prête ainsi à son héros une certaine horreur de la campagne, le rend insensible aux fleurs et autres beautés de la vie rurale. Une part non négligeable du récit porte sur les relations du couple, sur les liens que l’ex-policier entretien avec un fils qu’il n’a pas vu grandir.
En ancien publicitaire, formé aux messages efficaces, il possède un sens aigu de l’image et excelle dans les portraits percutants. Il élabore en ce sens une galerie de personnages particulièrement noirs. Ne décrivant pas une humanité sereine et lumineuse, il détaille le côté sordide des individus, les basses combines et les pensées viles qui animent la plupart des personnes.
Avec Il faut tuer Peter Pan, John Verdon confirme, si besoin était, son art du récit, son goût pour les personnages glauques, sa maestria à mener une intrigue astucieusement montée jusqu’à une conclusion adroite.
serge perraud
John Verdon, Il faut tuer Peter Pan (Peter Pan must die), traduit de l’anglais (États-Unis) par Philippe Bonnet, Sabine Boulongne, François Vidonne, Grasset, coll “Thrillers”, février 2015, 528 p. – 21,50 €.