Robert Heinlein, Histoire du futur

L’auteur de Star­ship Troo­pers nous conte l’avenir de l’humanité. Laissez-vous embarquer !

Histoire du futur est une fresque gigan­tesque faite de nou­velles et de récits suf­fi­sam­ment longs pour être qua­li­fiés de romans. Cette liberté de forme donne une colo­ra­tion par­ti­cu­lière à l’histoire incroyable qui nous est pré­sen­tée. Et comme bien des contes extra­or­di­naires, celui-ci débute par le rêve d’un enfant. Rêve qui, aujourd’hui, ne semble pas si inac­ces­sible que ça : le petit bout de chou vou­lait juste mar­cher sur la lune… Mais voilà, ce qui devait être un but se trouve être en fait la pre­mière étape d’une épo­pée galac­tique. Tout ça grâce à l’obstination d’un adulte qui ne vou­lait pas gran­dir sans avoir atteint son objec­tif !
Reve­nons au décou­page des dif­fé­rentes séquences du récit : l’auteur ajuste la lon­gueur de ses textes aux néces­si­tés de la nar­ra­tion.
Du coup, cer­taines périodes sont sau­tées et on va droit à l’essentiel de façon natu­relle. Ce pro­cédé gagne en élé­gance car, si les auteurs de cycles et de longs romans maî­trisent l’art de l’ellipse, Robert Hein­lein en a fait un mode d’écriture à part entière et lui donne un aspect presque esthé­tique, per­met­tant des res­pi­ra­tions et la créa­tion de ten­sions très par­ti­cu­lières. Les ama­teurs de space op connaissent la dif­fi­culté que repré­sente un saut d’un demi-siècle dans le temps, alors plus de deux ! Pour­tant, ici cela ne pose pas de pro­blème et une fois le pre­mier saut de réa­lisé, on s’aperçoit avec plai­sir que l’ensemble fonc­tionne bien et ne perd pas en cohé­rence, loin de là…

Ainsi, le lec­teur est déjà mis en garde : ce qu’il va lire n’est pas si tra­di­tion­nel que ça… même si le style rédac­tion­nel clas­sique peut conduire à pen­ser l’inverse lors de la lec­ture des pre­mières pages. Les thèmes peuvent eux aussi, de prime abord, sem­bler un peu banals. En effet, qui n’a pas lu aujourd’hui au moins deux textes racon­tant la conquête de l’espace par les ter­riens ? Oubliez-les ! Aucun ne vaut celui-ci. Et pour cause : l’auteur a fait preuve d’une rigueur impos­sible à quan­ti­fier. Ima­gi­nez : il a véri­fié que chaque élé­ment dont il par­lait pou­vait théo­ri­que­ment exis­ter ou être décou­vert. Rien n’est laissé au hasard, ni les élé­ments pure­ment phy­siques, ni ceux anthro­po­lo­giques, psy­cho­lo­giques ou bio­lo­giques.
Dif­fi­cile alors de croire qu’il ait pu lais­ser aller son ima­gi­na­tion. Et là encore, la sur­prise est de taille. Car Robert Hein­lein est un vision­naire. Sa pro­jec­tion de la colo­ni­sa­tion de notre satel­lite le prouve. Et si les nou­velles qui ouvrent ces recueils ne tendent pas à véri­fier d’entrée de jeu ces pro­pos, les sui­vantes sont tout de suite plus convain­cantes. Quant aux deux der­niers textes, ils forment un final abso­lu­ment épous­tou­flant ! On en oublie­rait presque les pré­cé­dents, pour ne rete­nir que ceux-là. Mais ce serait un tort que de s’en tenir à leur lec­ture. En effet, les pré­cé­dents forment le sub­strat qui conduit à ces bijoux, et ils ne doivent leur sel si par­ti­cu­lier qu’aux réfé­rences faites aux évè­ne­ments décrits auparavant.

Là encore, Robert Hein­lein s’en donne à cœur joie en fai­sant se croi­ser les per­son­nages d’un texte à un autre ou en fai­sant allu­sion à des épi­sodes anciens. Quelques pas­sages peuvent sem­bler être de sacrés détours, mais on s’aperçoit ensuite qu’ils ne sont qu’un préa­lable à une situa­tion à venir. L’auteur est rusé, syn­thé­tique et quelque part, éco­nome. Seuls les faits utiles lui importent, et le lec­teur ne s’ennuie jamais. Il passe tour à tour d’un uni­vers furieu­se­ment capi­ta­liste à un monde poé­tique, d’un huis clos à une forêt ou des éten­dues immenses, d’affrontements à la paix. Le tout, évi­dem­ment relevé d’un humour dis­cret mais facé­tieux, auquel seul le qua­li­fi­ca­tif d’« élé­gant » convient.

Que dire de plus de cet ensemble de textes qui de prime abord ne paie pas de mine ? Eh bien, que l’on ne peut que conseiller d’acheter les quatre tomes d’un coup, pour évi­ter de retour­ner pré­ci­pi­tam­ment chez son libraire et de s’apercevoir avec angoisse que, mince !, on est dimanche… Car assu­ré­ment, la jour­née risque de sem­bler longue, très longue…

ana­bel delage

   
 

Robert Hein­lein, His­toire du futur, Folio SF, 2005 :
-  tome 1 : L’homme qui ven­dit la Lune (tra­duit par Pierre Billon, Jean-Claude Dumou­lin, Knight Damon), n°207, 378p.- 6,80€
-  tome 2 : Les vertes col­lines de la Terre (tra­duit par Pierre Billon, Jean-Claude Dumou­lin, Pierre-Paul Duras­tanti), n°208, 347p. — 6,80€
-  tome 3 : Révolte en 2100 (tra­duit par Pierre-Paul Duras­tanti, Frank Stra­schitz), n°209, 372p. — 6,80€
-  tome 4 : Les enfants de Mathu­sa­lem, suivi de Les orphe­lins du ciel (tra­duit par Frank Stra­schitz), n°210, 457p. — 7,50€

 
     
 

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