Un moment de démystification théâtrale, dont on cherche le but
Les comédiens viennent se poster devant le grand rideau rouge, au bord du public. Une galerie de portraits saisis initialement dans une impassibilité dont on sent la rigueur toute feinte. Des propos plus ou moins cohérents sont présentés, interloqués : il s’agit d’interjections, de traductions, de proférations qui ne procèdent pas de l’interlocution. Le rideau s’ouvre sur un intérieur embourgeoisé d’une galerie de portraits dans lesquels on pourrait reconnaître des protagonistes de la scène. Un dialogue s’engage de façon tellement distendue que les répliques sont entrecoupées de longs intervalles ponctués par de lointains sons de cloches. Les personnages ont des comportements déplacés, inadaptés, se comportant par exemple comme des meubles ou émettant des bruitages étonnants. En proie à leurs compulsions, ils exhibent par contraste une socialisation forcée ; ils contraignent les autres à intégrer, par leur flegme ou leur complaisance, l’incivilité.
Le comique est de registre composite : burlesque, cocasse, absurde. L’inopiné, le décalé, l’impromptu semblent déclinés à loisir, à travers des ruptures de rythme et des variations indéfinies. L’exercice est poussé à son comble. Le public est sujet à une hilarité sporadique : certains spectateurs éclatent de rire ponctuellement, isolément. Peu avant le terme de la représentation, les comédiens débarrassent le plateau, à la manière de déménageurs, comme s’il s’agissait de vider la scène de ce qui la constituait en décor et faisait son sens. Le propos, qui associe des passages de plusieurs pièces de Labiche, ne survit pas à ce traitement « hilaristérique ». On assiste à un moment de démystification théâtrale, dont on cherche le but. Une distanciation qui ne serait pas critique, mais procédant d’une intention de pure dérision.
christophe giolito
Das Weisse vom Ei (Une île flottante)
d’Eugène Labiche, Christoph Marthaler, Anna Viebrock, Malte Ubenauf et les acteurs
mise en scène Christoph Marthaler
en français et allemand, surtitré
avec Marc Bodnar, Carina Braunschmidt, Charlotte Clamens, Raphael Clamer, Catriona Guggenbühl, Ueli Jäggi, Graham F. Valentine, Nikola Weisse
Au théâtre de l’Odéon, du 11 au 29 mars 2015
Place de l’Odéon 75006 PARIS
Du mardi au samedi 20h, dimanche 15h.
http://www.theatre-odeon.eu/fr/2014–2015/spectacles/das-weisse-vom-ei-une-ile-flottante
Décor et costumes Anna Viebrock ; lumière HeidVoegelinLights ; dramaturgie Malte Ubenauf ; collaboration à la mise en scène Gerhard Alt, Rebekka David ; collaboration au décorBlanka Rádóczy, collaboration aux costumes Christin-Marlen Freyler.
Régie générale Stéphane Sagon ; régie plateau Mathieu Pegoraro ; régie lumière Jean-Luc Mutrux ; régie son Patrick Ciocca ; accessoires Enrique Ramallo Mendez ; maquilleuses Viviane Chollet, Johannita Mutter ; administration de la tournée Sylvain Didry ; surtitres allemands Elfriede Jellinek ; surtitres français Dora Kapusta.
Production Theater Basel, Théâtre Vidy-Lausanne, coproduction Odéon-Théâtre de l’Europe, Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées, Le Parvis – Scène nationale Tarbes Pyrénées.
Créé le 21 décembre 2013 au Theater Basel. Avec le soutien du Cercle Giorgio Strehler