Pour Hormoz, la photographie reste le vecteur inverse de ce qu’elle représente pour beaucoup d’autres artistes. Chez ceux-là, l’image de la femme est le moyen de faire pousser les fantasmes comme un chiendent. Pour sa part, le cinéaste et photographe traque une beauté plus sourde attachée à une forme de renaissance à travers, ici, un modèle particulier : l’actrice Caroline Ducey. S’engage dans Baptême la question de regard, du réel, du devenir. Le corps reste insondable. Il surgit des abîmes aquatiques qui lui redonnent « sens ».
Le corps garde sa force sensuelle et charnelle mais il renvoie à d’autres strates que l’image ignore trop généralement. Existe un travail sur le visage et le regard. La « baptisée » est saisie afin que le corps soit « compris » comme un gouffre d’énergie que l’inertie de la photographie est capable d’offrir. Ses « arrêts sur image » permettent une sorte de libération : le corps se transforme, se libère de sa crasse, sa saleté. Loin de tout psychologisme, le visage est rendu à l’essentiel. Il fait le corps, devient son prolongement. Il transforme au besoin la tiédeur en surchauffe. D’où (aussi) l’importance de l’eau. Il ramasse aussi les insectes de la pensée qui volent de tous côtés avec des étirements, des prolongations parfois des sutures avant que le « moi » trouve enfin son sens selon un mouvement aérien que l’artiste ne cultive pas forcément dans ses films.
Le livre distribue une suite d’instantanés habilement composés en une sorte de poursuite d’‘une « vérité ». Rien n’en sera dit d’une telle renaissance mais quelque chose avance. Le photographe s’approche de son sujet qui n’est pas qu’un objet du désir. Le regard amoureux saisit la femme. L’œil d’Hormoz est bien sûr physiologique mais tout autant cosmique. Il saisit combien par son baptême la femme semble se refaire une santé. Il se désinfecte des histoires dites d’amour. L’artiste crée entre elles l’interstice, le passage, l’accouchement. Cela produit un retournement, un basculement.
Le regardeur se laisse emporter à la suite du modèle là où la photographie crée un discours implicite et une méthode. Mais tout autant son abandon et sa mouvance. L’artiste nous plonge en un bain de jouvence. Pas question pour autant de partager celui du modèle. Le rapport ne risque pas d’entraîner la chute : si ce n’est dans celle de la Révélation.
jean-paul gavard-perret
Hormoz, Baptême, Corridor Elephant Edition, coll. Arts Pocket, 2015.
Quelle palette…