Véronique Poulain, Les mots qu’on ne me dit pas (sélection Prix du livre Fondation Prince Pierre)

 Sélec­tion Prix du livre Fon­da­tion Prince Pierre

Com­ment les sourds-muets s’adaptent-ils au monde qui les entoure ?

Véro­nique Pou­lain, née en 1967, est la fille enten­dante de deux parents sourds. Lorsqu’elle a 15 ans, ses parents décident de créer un théâtre pour sourds et mal­en­ten­dants où elle joue par­fois. Evo­luant dans le monde du spec­tacle vivant, elle devient pen­dant 15 ans l’assistante de l’humoriste Guy Bedos avant de nous livrer ici son pre­mier roman.

Dans ce roman auto­bio­gra­phique, l’auteur-narrateur nous raconte la façon dont elle a grandi au sein d’une famille où la plu­part des membres sont sourds. Elle livre les par­ti­cu­la­ri­tés de vivre, de se for­mer, d’évoluer entre le monde clas­sique et le monde du han­di­cap. En effet, nous, les enten­dants, décou­vrons un uni­vers loin d’être calme et silen­cieux, et où toutes les actions banales du quo­ti­dien peuvent deve­nir de véri­tables aven­tures plus ou moins drôles et plus ou moins gênantes. Ainsi, elle nous décrit les vacances de son enfance, son appren­tis­sage de la langue des signes en plus de l’écriture et de la lec­ture, le sou­tien qu’elle apporte à ses parents, mais éga­le­ment les conflits qui naissent dans une atmo­sphère où elle a bien du mal à trou­ver sa place, notam­ment à l’adolescence.
Ce roman est donc l’occasion de se pro­je­ter dans un monde et dans une vie que peu d’entre nous connaissent. Com­ment les sourds-muets s’adaptent-ils au monde qui les entoure ? Com­ment gran­dir et s’affirmer quand on a honte des gestes et des bruits bizarres que font nos propres parents ? Notre société fait-elle vrai­ment tout son pos­sible pour inté­grer les han­di­ca­pés face à de nom­breuses per­sonnes qui ont peur de la différence ? »

Ce roman, que nous avons sélec­tionné en seconde posi­tion dans notre liste,  nous a plu par dif­fé­rents aspects. L’aspect auto­bio­gra­phique nous a tout d’abord séduits car cela nous per­met de nous iden­ti­fier plus faci­le­ment à la vie de cette famille si par­ti­cu­lière, de réflé­chir aux points com­muns et aux dif­fé­rences qu’il y a entre notre enfance et celle de l’auteur. Ensuite, Véro­nique Pou­lain sait manier avec intel­li­gence l’humour et la déri­sion pour évo­quer des situa­tions par­fois déli­cates ou dou­lou­reuses sans tom­ber dans le pathos. On rit tout autant que l’on est ému par l’évolution de l’héroïne. Enfin, cette œuvre nous per­met d’aborder le thème du han­di­cap et plus géné­ra­le­ment de notre rela­tion aux autres et aux dif­fé­rences de tout ordre. Ce roman nous per­met donc à nous aussi de gran­dir et de prendre conscience du monde qui nous entoure en tant que citoyens res­pon­sables et soli­daires.
C’est pour­quoi nous vous conseillons donc vive­ment de lire Les mots qu’on ne me dit pas de Véro­nique Poulain.

Lire les pre­mières pages ici

anthony baillet  et la classe de 1ère BTN (l. albi­setti, a. marques ribeiro, a. morin, m-e ger­va­cio, b. mathieu, p. croesi) du LTHM

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Ou com­ment éveiller sa bonté face à la discrimination

Sans tabou et avec un humour cor­ro­sif, la nar­ra­trice, qui est le per­son­nage prin­ci­pal, raconte sa vie quo­ti­dienne au sein de sa famille sourde-muette. Véro­nique (nom de l’auteure : V. Pou­lain), enten­dant et par­lant, narre sa vie d’enfance, d’adolescence et sa ving­taine et nous montre les richesses d’un écar­tè­le­ment entre deux mondes si dif­fé­rents. Elle va apprendre le lan­gage des signes et nous dévoi­ler un grand nombre de secrets sur leur quo­ti­dien dans Les mots qu’on ne me dit pas.
Le livre se pré­sente ainsi comme une his­toire ori­gi­nale même si la dis­po­si­tion du texte est assez aléa­toire et la syn­taxe trop pré­sente, ce qui tend à sac­ca­der l’histoire, voire à enle­ver le plai­sir de lire. Nous devons tou­te­fois lais­ser de côté les aspects néga­tifs du livre pour com­prendre son mes­sage qui est en effet des plus inté­res­sants : parler et entendre sont des mots qui évoquent d’ordinaire peu d’importance pour nous. Mais réflé­chis­sez un ins­tant et imaginez-vous aveugle… Tout devient noir et vous ne pou­vez plus voir ni votre famille, ni le pay­sage, ni ce que vous man­gez. Dif­fi­cile de vivre ainsi ! Et imaginez-vous sourd main­te­nant. Un silence abys­sal et éter­nel qui vous hante. Vous ne seriez plus capable de goû­ter aux plai­sirs de la vie. Cepen­dant, votre esprit est encore actif et vos sen­ti­ments et vos sou­ve­nirs sont tout aussi présents.

C’est ainsi que vivent les gens sourds ou muets et c’est ce point-là que l’auteur met en exergue : elle veut que nous com­pre­nions leur vie. En effet, elle fait appel à notre soli­da­rité pour sou­te­nir ces gens qui sont pas aussi chan­ceux que nous, qui sommes nés avec ces dons de la nature. Nom­breux sont ceux néan­moins qui res­tent en géné­ral à l’écart des sourds et des muets, faute d’éducation. Si ce refus est géné­ra­lisé, c’est parce que, à chaque fois que nous décou­vrons quelque chose de dif­fé­rent, nous avons peur car nous avons peur de chan­ger, nous avons peur de ce que nous ne savons pas. De ce que nous ne savions pas. Cette dis­cri­mi­na­tion est into­lé­rable de nos jours car dis­cri­mi­ner un han­di­capé est tout aussi grave que le racisme et l’antisémitisme. Nous devons par consé­quent éveiller la bonté en nous et sen­si­bi­li­ser les géné­ra­tions à venir pour ces­ser ce com­por­te­ment non seule­ment vis-à-vis des sourds et muets, mais aussi au regard de  toutes les dif­fé­rences qui sur­gissent dans notre vie.
Ce livre ouvre donc plu­sieurs débats et plus pré­ci­sé­ment celui sur la dis­cri­mi­na­tion. En ce sens, l’auteure nous per­met de prendre conscience  de (et de regar­der plus clai­re­ment) ce sujet. C’est pour cela que nous nous per­met­tons de vous recom­man­der ce livre.

Danil Macam­bira Aga­fiev, élève de seconde au Lycée Albert Ier de Monaco

Véro­nique Pou­lain, Les mots qu’on ne me dit pas, Stock, Col­lec­tion la bleue, août 204, 144 p. — 16,14 €.

1 Comment

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One Response to Véronique Poulain, Les mots qu’on ne me dit pas (sélection Prix du livre Fondation Prince Pierre)

  1. Anger pascal

    je vous invite à jeter un œil sur le roman de Sté­pha­nie cla­ve­rie l’homme qui n’a pas inventé la poudre edi­tions la dif­fe­rence le roman parle avec sen­si­bi­lité et poé­sie du han­di­cap et de la vie affec­tive merci

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