Dans la maison des champs perdus
Laurence Courto ne cesse d’étonner. Ses feuilletages, leur encollage et leur transfusion créent une transparence faite de fêlures, de zébrures pour l’éclosion de pavots rouge sang dans l’abîme qu’elles creusent sur le velours des surfaces. Surgit un cantique des temps premiers de la sève et les frissons d’une toison inconnue. Tout devient possible en de tels entrelacs. L’artiste y célèbre la transhumance des esprits à travers des scintillements et les frottages de la matière. Le tellurique se transforme en cosmos. Des énergies célestes se cristallisent à même la surface du sol où la peinture prend son envol. Sa texture semble des cieux criblés d’astres ou une terre suffocante et froissée. Tout part de l’ombre pour monter à la lumière. La joie tarie peut sans doute redevenir geyser mais tout reste secret.
Une telle “figuration abstractive” crée des concordances actives entre dehors et dedans, dessus et dessous au sein d’une genèse que Laurence Courto ne cesse de reprendre. Sa recherche reste nourrie de son feu secret dont le feu vulgaire n’est qu’un pâle reflet. Il existe dans ses dernières œuvres — où l’horizon comme toujours se dérobe — des saignées de chemin, des gravitations de chrysalides, des yeux de la terre, des tertres de sel gemme que le geste de l’artiste façonne, reprend. Mais la créatrice n’en accepte le résultat que lorsque sa conquête est conforme à ses espérances et que surgissent des plages gorgées d’orages et de survies souterraines.
L’artiste ramène ainsi au mythique passé de nos premiers ancêtres qui incisaient de leur peinture le tréfonds de leur grottes avant de battre les premiers fers et cuivres. A sa manière, elle use de ses outils comme d’un silex pour stèles futures : la semence palpite en secret dans les entrailles de la mémoire comme si l’artiste se faisait salamandre : celle qui interpréta le message des dieux du feu.
jean-paul gavard-perret
Laurence Courto, La pellicule rouge, Galleria Bianca Maria Rizzi & Matthias Ritter, Milan du 17 mars au 10 avril 2015.
Forgée par l’éducation des Chanoinesses Régulières de Saint Augustin il me semble que le symbole de la salamandre est parfait pour l’expo précitée . Hommage à l’artiste peintre Laurence Courto et au pertinent critique d’art JPGP .