Daniel Keyes, Des fleurs pour Algernon

En mars 2004, Flam­ma­rion réédi­tait ce clas­sique de la SF dans sa col­lec­tion Tri­bal, des­ti­née aux lec­teurs adolescents

Des trois romans de Daniel Keyes publiés en trente ans, au moins un, Des fleurs pour Alger­non, consi­déré comme son chef-d’œuvre, compte aujourd’hui parmi les grands clas­siques de la SF. Paru en I959 sous forme de nou­velle et étoffé ensuite, ce roman a connu tout de suite un immense suc­cès. Récom­pensé par le prix Nebula en 1966 - prix obtenu par Dune l’année pré­cé­dente - il est ensuite porté à l’écran par Ralph Nel­son en 1968 sous le titre Charly.
En 2004, devenu introu­vable, Flam­ma­rion a la bonne idée de le réédi­ter dans la col­lec­tion “Tri­bal”, qui regroupe des textes de registres divers des­ti­nés à des lec­teurs adolescents.

Des savants ont réussi par une opé­ra­tion à aug­men­ter spec­ta­cu­lai­re­ment l’intelligence d’une sou­ris de labo­ra­toire, Alger­non. Un grand espoir pour les humains, qu’ils vont concré­ti­ser avec Char­lie Gor­don, un arriéré qui ne rêve que de deve­nir unté­li­jen ainsi qu’il le relate dans les contes randu — trame du livre — que les méde­cins lui imposent de rédi­ger. Sou­mis aux mêmes tests qu’Algernon, il est régu­liè­re­ment battu par elle, ce qu’il ne sup­porte pas. L’opération pra­ti­quée sur Char­lie est un suc­cès et une grande pre­mière. Cobaye motivé, sou­tenu de sur­croît par une blonde et char­mante psy­cho­logue, il se livre à un rap­port détaillé et de mieux en mieux écrit de sa remon­tée vers des quo­tients intel­lec­tuels de plus en plus éle­vés. Ses capa­ci­tés de com­pré­hen­sion et d’acquisition se décuplent à une allure folle : il apprend, se sou­vient, rêve, s’éveille aux filles, mais aussi aux moque­ries des autres, com­prend l’idiot qu’il a été.
Avec l’excitation de com­prendre de plus en plus de choses, se déve­loppe en lui une luci­dité de ce qu’il y a sous la sur­face des évé­ne­ments. Plus tu devien­dras intel­li­gent, plus tu auras de pro­blèmes, l’avertit son psy­chiatre. En effet, seule­ment trois mois après l’opération son intel­li­gence dépasse déjà celle des savants qui l’ont opéré. Il découvre leur médio­crité et s’affole de voir son sort entre leurs mains. Et pire encore, de se sen­tir à leurs yeux tou­jours objet d’expérimentation et jamais une per­sonne. Une souf­france telle qu’il s’enfuit avec Alger­non, pour ten­ter à New York une vie d’adulte auto­nome loin des labos et de la science. À cette étape de son évo­lu­tion, il est sou­vent sub­mergé par les émo­tions, déso­rienté face aux femmes, et suc­combe fré­quem­ment à cette impres­sion schi­zo­phrène d’être tou­jours sous sur­veillance de l’ancien Char­lie qui l’empêche de gran­dir affec­ti­ve­ment et sexuellement.

Paral­lè­le­ment ses recherches de génie lui démontrent que, de la même façon qu’Algernon, il est voué à retom­ber fata­le­ment dans son état d’idiot. Il lutte, lit, essaye encore d’apprendre. Une véri­table course contre la montre. Mais la régres­sion se fera, impla­cable. Pertes de mémoire, de com­pré­hen­sion, oubli des langues étran­gères, symp­tômes de retour en enfance, acti­vité motrice défaillante, il s’effondre par mor­ceaux. Son seul plai­sir à pré­sent c’est le poste de télé­vi­sion. Hon­teux de sa déchéance, le seul endroit où pour finir il se sen­tira au chaud sera l’asile, dans la com­pa­gnie de ses sem­blables. L’aventure intel­lec­tuelle et émo­tion­nelle qu’il a vécue ne lui lais­sera qu’un vague souvenir.

Fable huma­niste et cruelle, Des fleurs pour Alger­non incline davan­tage vers la fic­tion et la psy­cho­lo­gie que vers la science. Daniel Keyes ne pro­pose pas seule­ment le récit dra­ma­tique d’un voyage de l’enfer au para­dis avec retour à la case départ ; il démontre aussi avec talent que si l’intelligence est une valeur d’importance, la plus essen­tielle reste la dignité humaine. Et qu’en fin de compte, rien ne rem­place la cha­leur de l’amitié, cette ami­tié qui manque tant dans les hautes sphères fré­quen­tées par les génies.
Rien ne vaut la sagesse des sixties !

c. d’orgeval

Daniel Keyes, Des fleurs pour Alger­non (tra­duit par Georges H.Gallet), Flam­ma­rion coll. “Tri­bal”, mars 2004, 366 p. — 8,00 €.

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