Jean Depara, Night & Day in Kinshasa, 1955–1965

Black magic women

Dans les rues et sur­tout les boîtes de nuît de la future Kin­shasa, le pho­to­graphe Jean Depara cha­touillait le réel jusqu’à potron-minet à tra­vers ses prises. Les femmes et les hommes y étaient beaux dans leurs habits de sor­tie pour les unes et leurs maillots de bains pour les autres. Ils et elles sont par­fois plus drôles qu’érotiques ce qui n’enlève rien à leurs impec­ca­bi­lité plas­tique. L’artiste les a sai­sis aux moments des béco­tailles et de séduc­tions plus ou moins contrô­lées. La peau garde son soyeux, sa brillance.Les sujets dépassent d’habits géné­ra­le­ment légers et adap­tées aux touf­feurs tro­pi­cales.
Il reste tou­jours plus d’humanité que de pose même lorsque l’amour est plus ou moins impar­fait. Ce dont le regar­deur esthète est friand, Depara l’accorde sans jamais se dépar­tir d’une cer­taine rete­nue. Les jambes fémi­nines sont dégai­nées mais l’artiste ne va jamais plus loin. Et la gri­se­rie tient plus de la sug­ges­tion que de la mons­tra­tion. Si bien que chaque cli­ché réserve un temps plein, un temps mort, une boîte noire ou un blanc bol. Les robes à fleurs sont dévo­rées par des belles plantes (car­ni­vores ?) qui les portent mais pas plus qu’il ne faut. Il pleut des formes sur la ville dans la cha­leur de la nuit. Et si de tels cli­chés se regarde avec un désir — celui-ci n’est pas for­cé­ment sexuel.

Tout ce que l’artiste expose semble donc en marge d’une his­toire dont on ne saura pas plus. L’espace est à l’intérieur de l’espace cadré : il donne aux femmes toute leur pré­sence. Le regar­deur en est souf­flé. Il demeure le visi­teur d’un soir devant des égé­ries qui n’appartiennent à per­sonne qu’elles. En ce sens, l’artiste fut un pré­cur­seur : la femme noire reven­di­quait là son éman­ci­pa­tion. Pas sûr qu’aujourd’hui il pour­rait filer ses « frasques ». De telles exal­ta­tions du corps semblent hors-saison. Beau­coup d’idéologies de temps et de pan­dé­mies refusent à la femme le des­tin liber­taire que l’artiste leur accordait.

jean-paul gavard-perret

Jean Depara, Night & Day in Kin­shasa, 1955–1965, édi­tions Revue Noire, Bel­gique, 2015, 108 p.- 13,00 €.

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