Ivanov (Anton Tchekhov/Luc Bondy)

La force inexo­rable de la déchéance irrépressible

Le décor, sobre et grand, pré­sente un aspect indus­triel. Le pro­pos est vif, mais porte tou­jours sur ce qui n’a pas lieu, sur ce qui est à faire. Avec Tche­khov, on a inces­sam­ment l’impression d’une pro­lon­ga­tion des scènes de pré­sen­ta­tion. La musique est uti­li­sée avec acuité pour sou­li­gner les gra­vi­tés du pro­pos. Iva­nov, c’est le drame de la conscience, de la conscience acerbe, inci­sive, cruelle fina­le­ment, indis­cu­ta­ble­ment pinailleuse. C’est le para­doxe d’une insen­si­bi­lité empa­thique, qui ne cesse de déployer sa contra­dic­tion. Les per­son­nages sont pré­sen­tés dans un uni­vers noble, mais figé, comme inexo­ra­ble­ment mar­qué d’une imma­nente pesan­teur. La quête d’un intime insai­sis­sable reste à jamais inac­com­plie. Il est assez dit qu’on n’en peut mais.

Luc Bondy montre avec pré­ci­sion et déli­ca­tesse, par des pro­cé­dés simples et effi­caces, rele­vant du dénue­ment de l’accentuation, la force inexo­rable de la déchéance irré­pres­sible. La vie se révèle à cru, dans son indi­cible impos­si­bi­lité, dans des paroles brutes, lasses et inflexibles. Iva­nov n’a qu’à se dire joué, floué à son propre contrat. La mise en scène est sub­tile et bien sen­tie, se nour­ris­sant d’ambiances fes­tives et tristes, nos­tal­giques d’un passé qui n’a jamais eu lieu. Une des­cente aux enfers de la luci­dité, qui per­dure de ne pas avoir de fin, dans la per­ti­nence mélan­co­lique de la légè­reté des appa­rences. Les choses sont conduites à leur terme, iné­luc­table, le sceau final de l’inamissible ordre des choses.

chris­tophe giolito

Iva­nov d’Anton Tche­khov
mise en scène Luc Bondy

Photo de répé­ti­tion © Thierry Depagne

avec Mar­cel Bozon­net, Chris­tiane Cohendy, Vic­toire Du Bois, Ariel Gar­cia Val­dès, Laurent Gré­vill, Marina Hands, Yan­nik Lan­drein, Roch Lei­bo­vici, Micha Les­cot, Chan­tal Neu­wirth, Nico­las Peduzzi, Dimi­tri Rado­ché­vitch, Fred Ulysse, Marie Vialle,

et, en alter­nance, les musi­ciens Phi­lippe Bore­cek (accor­déon) – Phi­lippe Ares­tan (vio­lon) et Sven Rion­det (accor­déon) – Alain Petit (vio­lon),
et les invi­tés Niko­litsa Ange­la­ko­pou­lou, Quen­tin Lau­gier, Mis­sia Pic­coli, Antoine Quin­tard, Vic­to­ria Sitjà.

Ver­sion scé­nique de Macha Zonina, Daniel Loayza et Luc Bondy
D’après la pre­mière ver­sion de Anton Tche­khov et la tra­duc­tion d’Antoine Vitez

Au théâtre de l’Odéon, place de l’Odéon, 75006 Paris

Du 29 jan­vier au 1er mars puis du 7 avril au 3 mai 2015

Pro­duc­tion Odéon-Théâtre de l’Europe

Décor Richard Peduzzi ; cos­tumes Moi­dele Bickel ; lumières Ber­trand Cou­derc ; musique Mar­tin Schütz
maquillages / coif­fures Cécile Kret­sch­mar
col­la­bo­ra­teurs artis­tiques à la mise en scène Jean-Romain Ves­pe­rini, Marie-Louise Bischof­ber­ger
conseiller artis­tique Geof­frey Layton.

 

 

Leave a Comment

Filed under Théâtre

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>