Michel Houellebecq : extension du domaine des images
A mesure que ses fictions s’égrènent et se délitent dans le gris perle ou anthracite et se réfugient en hibernation, Houellebecq fait appel (comme le fit Beckett en son temps) à d’autres mediums. Il ne s’agit pas pour autant de guetter l’éclaircie où les images jetteraient un rayon moins blême à travers le ciel de paysages interlopes mais de saisir par d’autres biais la solitude des existences. C’est pourquoi ici il n’existe pas des éclats dans le morne.
Le présent s’habite de solitude et d’arpents qui ne servent qu’à combler les jours trop vides où l’esprit, transi, se sent rapetisser. A travers de telles photographies, les journées sont remplies de ces choses que l’on fait parce qu’elles sont là, attendant d’être faites, de ces objets qui servent un court instant, de ces paroles que l’on dit comme un comédien dirait son texte, avec conviction mais sans y plonger son essence profonde.
Emaillé de mille circonstances qui se ressemblent et diffèrent, le quotidien des apparences se déroule et passe sans vraiment griffer la surface des images comme le mental de celui qui les prend. Un tel pacte photographique n’a pas besoin de l’effervescence des théories. Houellebecq les exècre, il préfère la praxis des langages et il a bien raison. Si bien que le « neutre » de ses images est de l’ordre du phénoménal et ne s’assimile pas à un inframonde comme chez Blanchot. Les écritures du désastre de l’auteur de La carte et le territoire sortent ainsi de la philosophie pour la seule extension de leurs langages.
jean-paul gavard-perret
Michel Houellebecq, Before Landing, Chez Higgins éditions, Montreuil.
La série a été exposée en 2014–2015 au Pavillon Carré de Baudouin.