Un nouvel Ulysse encore plus aventureux
Les aventures d’Ulysse d’Ithaque ne cessent de fasciner des générations de lecteurs. Xavier Dorison choisit d’en donner une version originale, et magistrale, dans le cadre des Amériques de la fin du XVIIIe siècle.
En 1781, les Anglais sont vaincus à Yorktown et les Treize colonies se pensent indépendantes. Les soldats savourent leur plaisir. Le capitaine Ulysse McHendricks, un des artisans de la victoire, ne se plaît que dans l’action et la violence. Pour arrondir son pécule, il participe à des combats clandestins, fait descendre sa cote et monter les paris jusqu’au retournement de la situation à son avantage. À l’issue d’un combat, il voit arriver son fils Mack. Cela fait deux mois que celui-ci est parti de New Itake. Une troupe d’Anglais, menée par le sanguinaire colonel Montrose, s’est installée dans le village, retient les habitants, dont Penn l’épouse d’Ulysse, en otage.
Avec ses Minutemen, Ulysse McHendricks réarme l’Achéron, le vaisseau sur roues qui leur a permis d’attaquer là où personne ne les attendait. Pour gagner du temps Ulysse décide de traverser, malgré les troubles, le territoire iroquois et de passer par la vallée Wishita. Le voyage commence et les difficultés aussi. C’est en vue de cette vallée que les indiens attaquent. Pour leur échapper, le convoi s’engage dans une faille inconnue, traverse une cascade et arrive sur une terre réputée maudite. Là, les voyageurs vont de surprises en surprises…
Ce nouvel Ulysse, comme son illustre modèle, fait partie d’une armée qui a remporté la victoire. Le cadre des péripéties n’est plus le bassin méditerranéen, mais les grands espaces de l’Amérique. On peut supposer que le caractère du personnage originel devait ressembler beaucoup à celui que nous propose Xavier Dorison, un guerrier vivant dans l’action, mais cachant un cœur sensible sous une carapace bourrue.
Le scénariste adapte de belle manière des aventures maritimes à l’intérieur des terres avec, par exemple, l’Achéron, un voilier monté sur roues, tiré par une douzaine de chevaux, le premier, et sans doute le seul, voilier amphibie.
On retrouve, transposé, un des grands combats de L’Odyssée d’Homère, une confrontation du héros à un Cyclope peu commun. Le scénariste étoffe son récit avec une riche galerie de personnages, comme une famille de planteurs, un pasteur hollandais…, ajoutant des péripéties spécifiques au contexte territorial et historique. Il ne fait pas l’impasse sur la réalité d’une guerre et ses effets : le sang, les blessures, la boue, la mort…
Le dessin d’Éric Hérenguel est net, précis, tonique et dynamique. Il réalise une performance équivalente à Lune d’argent sur Providence (Vents d’Ouest), un diptyque précédent, où il avait fait merveille. Il anime un héros dont les traits et la stature rappellent Krän (Vents d’Ouest), mais lui donne une dimension bien différente en affinant son trait. Il réalise des décors magnifiques, joue avec des perspectives, des angles étonnants pour une mise en page d’une grande lisibilité.
Ulysse 1781 se composera d’une suite de récits en un ou deux tomes, puisant dans la richesse et dans la variété des péripéties racontées par le grand Homère. Ce premier album, par sa tonicité, par son graphisme particulièrement travaillé, laisse augurer d’une série attractive, à suivre de près.
serge perraud
Xavier Dorison (scénario), Éric Hérenguel (dessin), Sébastien Lamirand (couleur), Ulysse 1781, tome ½ : “Le Cyclope”, Delcourt, coll. “Conquistador”, janvier 2015, 64 p. – 14,95 €.