Xavier Dorison & Terry Dodson, Red Skin t : 1 — “Welcome to America”

Une super superhéroïne !

Quelles valeurs les super­hé­ros, qui font le bon­heur des USA en les pro­té­geant de tous les dan­gers, veulent-ils défendre, pro­pa­ger, sacra­li­ser ? Et s’ils n’étaient pas ceux que l’on ima­gine, ceux aux­quels il faut croire ? De quelles idéo­lo­gies, alors, se réclament-ils ?
À l’avant-première de Per­verses en cha­leur, Lyn doit fuir des mani­fes­tants menés par Jacky Core, ins­ti­ga­trice d’une mou­vance puri­taine dure. Alors qu’elle est en voi­ture avec son ami, un homme se jette sur leur véhi­cule et pro­voque un acci­dent. C’est le Char­pen­tier. Il s’approche, fait la morale à la jeune femme mais la laisse mou­rir dans l’épave en feu.
À Mos­cou, quelques mois plus tard, des sol­dats éba­his regardent une très belle jeune femme s’entraîner. Vera les sur­passe dans tous les sports. Elle rejoint Georg, son offi­cier trai­tant qui lui offre le cadeau du Parti, une Tra­ban ruti­lante, pour récom­pen­ser la réus­site de sa der­nière mis­sion. Cepen­dant, elle pré­fé­re­rait : “Une caisse de vodka et trois jours à pion­cer.“
Sa per­mis­sion est de courte durée. Sur ordre du cama­rade Bre­j­nev, elle doit se rendre aux Etats-Unis pour contrer l’idéologie déve­lop­pée par Jacky Core. Sous une cou­ver­ture de super-héroïne, elle doit se faire aimer du public et empê­cher l’élection de l’égérie du puri­ta­nisme. Si celle-ci entrait au Congrès, la Guerre Froide se réchauf­fe­rait. Vera arrive en Cali­for­nie sous l’identité d’Alabama Jane. Elle se fait embau­cher par un met­teur en scène de films por­no­gra­phiques et com­mence sa mis­sion en déployant ses nom­breuses, mais pas tou­jours oppor­tunes, capa­ci­tés de superhéroïne.…

S’ins­pi­rant du cli­mat puri­tain qui, bien qu’il ait tou­jours régné aux USA, prend de plus en plus d’importance, Xavier Dori­son ima­gine une idéo­lo­gie obli­gée d’employer des moyens qu’elle réprouve pour se défendre, pour inver­ser une ten­dance au rejet total. Le scé­na­riste reprend l’univers des super­hé­ros, et celui du cinéma, pour pla­cer une his­toire riche en sous-entendus, en réflexions sur les socié­tés amé­ri­caine et russe. Il montre, en gros­sis­sant le trait, allant presque à la cari­ca­ture, l’abîme qui sépa­rait ces deux modes de vie dans les années 1970. Il s’appuie sur l’atmosphère qui pou­vait régner dans l’Amérique pro­fonde, reprend les idées véhi­cu­lées par les ténors d’un puri­ta­nisme hypo­crite, trem­plin d’une forme de pou­voir. Paral­lè­le­ment, il détaille le monde du cinéma à tra­vers les péri­pé­ties vécues par l’employeur de Vera, la forme appa­rem­ment plus libre de ce monde qui est, cepen­dant, sou­mis à nombre de dik­tats, le pre­mier étant celui de la finance.
Avec des dia­logues pétillants, des situa­tions comiques ou incon­grues basées sur des faits réels por­tés au second, voire à un troi­sième degré, le scé­na­riste offre un récit humo­ris­tique en diable. On se régale des trou­vailles cocasses et des pirouettes avec la morale effec­tuées par cer­tains acteurs d’une gale­rie agréa­ble­ment four­nie en per­son­nages aux carac­tères fine­ment étu­diés.
Le des­sin de Terry Dod­son, qui béné­fi­cie d’une solide répu­ta­tion de créa­teur d’héroïnes aux formes épa­nouies, est tonique. Certes, il a été formé à la réa­li­sa­tion de comics où le dyna­misme du gra­phisme pré­vaut sou­vent sur la richesse du scé­na­rio. Mais il sait offrir des planches magni­fiques, plus attrac­tives dans les détails qu’elles n’y paraissent au pre­mier abord.
Ce pre­mier tome laisse augu­rer d’une suite fort bien éla­bo­rée, au récit solide et humo­ris­tique avec un gra­phisme qui a tout pour plaire.

serge per­raud

Xavier Dori­son (scé­na­rio), Terry Dod­son (des­sin et cou­leur), Rachel Dod­son (encrage), Red Skin, t.1 : “Wel­come to Ame­rica”, Glé­nat, coll. “Gra­fica”, sep­tembre 2014, 64 p. – 14,95 €.

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