Affectée par le doute (d’une certaine manière existentiel en dépit des apparences), Marie-Laure Dagoit scande une mélopée douloureusement drôle. Sous les futilités et les vanités se cache celle qui aime avancer masquée tout en recherchant une légitime reconnaissance de son identité. En son énumération vestimentaire et cosmétique, par ce qu’elle enfile ou déroule à l’endroit, à l’envers, l’auteure permet le surgissement d’une forme de chute dont il s’agit toujours de se relever.
La parure n’est plus ce qui protège simplement du froid le corps. Elle lui accorde l’attisement vital par goût de la séduction. Marie-Laure Dagoit fouille commode, penderie et mémoire tandis que sa théière attend patiemment que les choses se passent. L’auteure ouvre une glissière, fait glisser un rail, avance vers ses armoiries, affecte de se mettre à table. Elle dresse des listes, en appelle à ceux qui — placés peut-être en porte à faux — pourraient lui offrir l’étole nécessaire ou son parfum de femme.
L’écriture ouvre à l’extase par procuration. Car les mots aussi vêtent et déshabillent. Sens dessus, dessous. Sans dessous dessus (l’inverse est vrai aussi). D’une ligne à l’autre, un bilan provisoire avance. Le corps y est présent par fragments. Et même lorsque sa mine se brise, l’auteure, par effet de surface, devient plus profonde. Le bas se débat sur des talons de choix. Il y a bien des oripeaux mais pas de subterfuge. Cela bat, rythme. Le bras ressent une crampe. La circulation y est plus vive.
Ecrire passe plus par lui que par la tête. La robe fait l’inverse. Pour les deux, les mots et les maux supportent des corrections.
jean-paul gavard-perret
Marie-Laure Dagoit, De toute façon je n’ai rien à me mettre, Editions de la Salle de bains, Rouen, 2015 - 12,00 €.