Frédéric Khodja, Les yeux des filles fleurs

Les rosières de Fré­dé­ric Khodja

Depuis des années, Fré­dé­ric Khodja ras­semble des pho­to­gra­phies trou­vées auprès de mar­chands, d’amateurs ou dans des délais­sés. Il les choi­sit avec soin, jamais pour elles-mêmes mais pour leur deve­nir. Comme si le passé était au ser­vice du futur. A la base de ce livre, il y a une image : « J’ai dévi­sagé cet hiver dans le coffre élec­tro­nique d’un site de ventes aux enchères, une fille assise dans un mur de papier. Je suis par­venu à ache­ter cette pho­to­gra­phie : « Vin­tage photo ama­zing beau­ti­ful girl with flo­wers ». Une très jeune fille en cos­tume marin, un col­lier et dans une de ses mains, des fleurs. Une anno­ta­tion au dos indique une date, le 7 février 1918. »

A par­tir de là, l’artiste peut conti­nuer ses archives géo­mé­triques en décou­pant et recons­trui­sant un cor­pus libéré de toute pré­ten­due objec­ti­vité de l’image et du monde au pro­fit de la révé­la­tion d’une cer­taine vérité pré­sente non sans un objec­tif pré­cis : « On me reproche sou­vent de ne pas avoir de théo­rie. Si, j’ai une théo­rie dans la mesure où j’ai une convic­tion. Je ne l’expose pas mais elle tou­jours pré­sente au moment où j’aligne les faits les uns à côté des autres. Elle sur­git d’elle-même après, elle n’est jamais pré­con­çue. Quand je com­mence une chose, je ne sais pas où cela va me mener et puis je m’aperçois que c’est tou­jours le même pro­blème que j’aborde sur un plan dif­fé­rent». A chaque photo recueillie l’artiste ajoute une pointe d’eau de vie. Tout devient ébul­li­tion et écume.

De telles images sont plan­tées dans le logos. Tout est là. Etreinte des par­fums, insom­nie à l’angle des choses. Preuve que, par delà la théo­rie et la rhé­to­rique, l’artiste aime ce qui échappe. Il se veut cap­tif autant que cap­tivé. L’image, c’est bien sûr l’absence, c’est l’ « elle n’est pas là ». C’est pour­quoi chaque image est moins du Hit­ch­cock que du Rach­ma­ni­nov. Elle est aussi abs­traite que char­nelle. La tête y court plus vite que les fantasmes.

jean-paul gavard-perret

Fré­dé­ric Khodja, Les yeux des filles fleurs, Edi­tions Der­rière la Salle de bains, Rouen, 2015, 10,00 €.

Leave a Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Poésie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>