Pour sa deuxième exposition personnelle à la galerie Gounod, Aurore Pallet propose une dérive vers une mémoire perdue où des images intitulées « Annonces Fossiles » sourdent sous forme peintures de paysages en noir et blanc et de dessins de format panoramique. Elles surgissent comme autant de photogrammes primitifs et retrouvés d’un film disparu. Ils pourraient être les plans de ses séquences, uniques traces d’un scénario oublié.
Il y a là des lieux symboliques : montagne, rive, île, ciel qui permettent la progression d’une recherche autour de « l’esprit des lieux » décliné hors contexte temporel précis en ce qui devient des images mentales. Elles permettent au regardeur de se les approprier afin de reconstruire une histoire personnelle : « À l’origine de ces peintures, peut-être, il y avait un chemin caillouteux entouré de blocs informes ; comme si le crépuscule, devenu un instant immobile, s’était tout à coup arrêté là. Et puis, plus loin derrière une plaine, l’idée de ravins cachés, de pierres renversées, de crêtes indistinctes. Avec ces Annonces Fossiles, j’ai voulu traverser un espace. Cet espace n’était pas celui d’une réflexion ; c’était celui, immersif, du mouvement aléatoire des images mentales. Comme lorsque dans le train, le paysage qui défile sous nos yeux se transforme et disparaît pour laisser place à un flux incontrôlé de pensées flottantes. » Et l’artiste d’ajouter « La peinture n’est pas la question. »
Néanmoins, toute la question est là. Grâce au noir et au blanc. Juste un peu colorés parfois. L’œil et l’esprit voyagent au sein de fonds marins, d’horizons perdus qui sont tout autant des paysages intérieurs fascinants et qui emportent et médusent. L’artiste devient Mélusine en de telles scénarisations impalpables. Elles sont autant médiums, mirages, fantômes nocturnes fragiles dont le pourquoi et le comment échappent. Il y à là un rêve d’harmonie inconnue. Et après tout qu’importe le sens. La masse volatile, boréale saisit. Il y a là une matière inconnue, non détectée qui appartient à toutes ces choses que l’œil humain ne pourra jamais voir, à la mesure d’une immensité, « intranquilles » et insaisissables.
L’œuvre devient la tentative pour attraper ces mystères qui sont autant ceux des souvenirs de l’enfance et des cauchemars que ceux d’une mémoire plus antérieure encore et qui nous dépasse.
jean-paul gavard-perret
Aurore Pallet, Les Annonces Fossiles, Exposition du 7 février au 28 mars 2015, Galerie Isabelle Gounod, Paris.