Le portrait qui se dérobe ou l’horizon de la peinture
Marc-Henri Arfeux s’impose peu à peu comme un écrivain de premier plan. Ici, à travers son peintre-narrateur, il « expose » comment tout ce qu’un artiste tente de montrer et ce qu’un écrivain veut exprimer reste à la fois ce qui ne cesse de fuir et reste à l’état de note en marge ou en esquisse d’un texte ou d’une image effacé. Nous pouvons cependant, d’après le sens du livre, déduire ce que devrait être le sens du portrait même s’il reste toujours un doute et que les sens possibles sont multiples. En onze temps L’éloignement devient un paradoxal d’exercice d’apparition. L’image comme l’être s’y appelle en tout un jeu de déplacements par lesquels le narrateur cultive l’espoir d’une apparition impossible. Celle qui recule à mesure qu’il s’avance vers elle.
Le lieu même du livre prouve que l’espace est à l’intérieur de l’espace. Il n’est pas à l’intérieur des choses. C’est ce qui lui donne toute sa présence. L’espace qu’il n’est pas là se donne tout à lui. C’est pourquoi Arfeux invente un monologue intérieur dans lequel la voix descend de la tête lorsque les images s’y frayent un chemin (de désir). Certains éléments en sont les acteurs, les captifs, les ravis de la crèche. Ils se placent là, égrainent le temps, le relient. Le caressent parfois. Surgit ce qui peut être ni pensé, ni dit.
La tête est chercheuse, elle est en feu avant de raison garder (ou presque) à la fin du livre. Mais de ce dernier l’espace reste soufflé entre survivances et hantises.
jean-paul gavard-perret
Marc-Henri Arfeux, L’éloignement, éditions du Littéraire, 2014, 95 p. - 13,00 €.