La guerre d’Algérie et les questions de son petit-fils sont l’occasion, pour André Lecoz, d’évoquer sa guerre, en 1917
“Grand-père, comment fait-on pour survivre à la guerre ?” Dans la Bretagne de 1957, Julien, 18 ans, vient d’avoir son bac et redoute d’être appelé en Algérie comme son cousin. Il fait part à son grand-père de sa peur de cette guerre. Lui, préfère encore parler d’ “événements”… Comment fait-on pour survivre à la guerre ? Il ne sait pas quoi lui répondre, et ne lui a, du reste, jamais parlé de la sienne…
En 1915, André Le Coz a en effet été embarqué comme infirmier militaire vers l’extrémité sud des Balkans. Et ce, à la suite de son refus d’obéir à un ordre qu’il a jugé absurde : on lui demandait de risquer la vie de ses brancardiers pour aller chercher des morts au-delà des lignes, sous le feu de l’ennemi… C’est ainsi qu’il est devenu aux yeux de sa famille et de son entourage le “Disparu de Salonique”.
Quarante ans plus tard, ces événements se rappellent à lui. Alors qu’il vient tout juste de prendre sa retraite de radiologue, il retrouve les clichés qu’il a pris lors de sa campagne de Salonique, disparus depuis tout ce temps… Et peu de temps avant, son meilleur ami lui a proposé d’écrire ses souvenirs, car il a fait la connaissance d’un auteur de livres d’espionnage à succès très intéressé par cette époque.
Je ne suis pas mort à Salonique : voilà comment André Le Coz a tenté dix ans auparavant de commencer son récit. Il s’est arrêté là. Aujourd’hui il peine à reprendre ce récit :
Quelle était cette histoire ? Où commençait-elle ? Mes tentatives d’écriture ont toujours sombré dans le marais des origines incertaines et insaisissables. La recherche des causes m’a sans cesse emporté plus loin dans ce temps : une histoire en appelle une autre, qui finit elle-même par s’enliser dans les méandres et les ramifications où je me perds.
Il trouve finalement son chemin, mais surtout une raison d’écrire : son petit-fils Julien, à qui il veut enfin faire connaître son passé, et par la même occasion lui montrer comment il s’avère possible de survivre dignement à la guerre.
L’occasion également pour lui d’en apprendre davantage sur son passé : quel mystère se noue autour de ces photos prises en 1917 et de la relation amoureuse qu’il a alors entretenu avec une infirmière anglaise ? Un suspense digne d’un polar achève en effet ce récit, qui malgré son thème ne sombre à aucun moment dans le pathos, et dans lequel se mêlent et s’entremêlent plusieurs histoires. Dont l’une se décrypte au travers des photos incorporées dans le roman — une initiative aussi courageuse qu’originale — photos qui ont été prises par le grand-père de l’auteur.
Le Disparu de Salonique est un roman aussi dense que touchant, qui, une fois refermé, donne envie de le relire, pour tenter d’en percer tous les secrets…
Lire notre entretien avec Aliette Armel.
charles dupire
Aliette Armel, Le Disparu de Salonique, Le Passage, janvier 2005, 352 p. — 18,00 €. |
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