Dans l’attente de la destruction
Ce n’est pas parce que tout nous échappe qu’il faille faire semblant d’être l’organisateur du bordel ambiant. Grolleau le prouve dans une fiction « caliente » où pour la première fois Nicolas Rey devient héros de roman (mais plus en Bernardo que Zorro). Pour lui et pour tous ceux qui affirment leur« Sum » (je suis), la pierre qui roule de Spinoza, comme celle de Mike Jagger, est au bas de la pente. Bref, elle devient tombale. Pour autant, il n’est pas nécessaire de se la pendre au cou et se jeter à l’eau. Nos maîtres feront l’affaire et l’enfer.
A tous ceux qui auraient des tendances suicidaires, il est donc plus que recommandé de lire la fantaisie militaire de Grolleau. Elle l’est autant que le fut l’album du même nom de Bashung. C’est dire que dans ce cas un soda vaut pour un militaire — fut-il anonyme et mort inconnu, comme l’a récemment affirmé F. Hollande. C’est d’ailleurs contre tous les régis-soeurs et nos faux frères que le romancier perd volontairement le contrôle de sa fiction.
Telle une femme qui veut ce que la raison refuse, Sumo soumet à de multiples décharges sauf celles que le héros (dès que Rey est alité) se réserve avec des pâquerettes. Elles renouvelleraient bien nos mortes saisons et mornes plaines quoique — avec le temps — nous savons qu’il est nécessaire de persévérer pour aboutir au fiasco. Seules annoncent ici le printemps des hirondelles qui rappellent les« anvélos » de Queneau. Elles ont toutefois troqué leur cycle mensuel pour des véhicules mobiles à moteur de meilleure extraction afin d’hanter les immeubles en T de banlieues soumises à des retours du refoulé religieux où les femmes seront bientôt obligées de cacher jusqu’à leur ombre.
Néanmoins, face aux apostats et envahisseurs new age ou coraniques, F. Grolleau ne prêche pas : il se marre (jaune) pour qu’on sorte plus vivant que mort face à la doxa du nouveau système post 11-septembre. L’auteur le résume en 33 commandements. Ce qui tend néanmoins à prouver que notre crucifixion ne saurait tarder.
C’est pourquoi — avant qu’advienne que « pourrave » — il est urgent de siroter ce Sumo qui ignore les lourdeurs comme les pressions de Cogito (Grolleau ergote ses ergo). Le « délyre » n’en est que plus suave. Les mains au panier (pas seulement de crabes) ne manquent pas. Et l’auteur (du moins son sombre héros) ne met pas forcément des gants de chirurgien pour le tripoter de manière adéquate. Chapeau.
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jean-paul gavard-perret
Frédéric Grolleau, Sumo, Les éditions du Littéraire, Paris, décembre 2014, 180 p. — 18,50 €.
Perso je trouve que SUMO est un atelier caché comme celui de Courto et JPGP . Sirop jaune au style décoiffant .