Black Forest est le cinquième titre réalisé par Candela Books. Il est créé par Russell Joslin et réunit 50 photographes contemporains parmi les plus importants dont Roger Ballen, Arno Rafael Minkkinen, Irina Ionesco, Julie Blackmon, Joel-Peter Witkin et Gilles Berquet. A travers eux, Russell Joslin explore une beauté souterraine. Les photographies retenues cultivent une atmosphère, sombre, gothique et aussi surréaliste Chaque cliché fonce vers l’inconscient en se moquant de la psyché.
Chaque photographie devient quelque chose qui tiendrait de la coiffure-choucroute télescopée avec un banana split sexuel. S’y pressentent des obsessions ou pulsions qui deviennent bien plus que des avatars de maigre pitance. Joslin ne pousse pas à partager l’apostolat de l’image souterraine vers un jusqu’auboutisme. De telles images deviennent des flaques noires d’humour et de connaissance. Si profondes qu’elles soient, elles laissent poindre une transparence subtile. Seul le hasard objectif ou la réalité factice les fait prendre pour un songe. Elles débordent de vie écloses et témoignent d’une fraternité mystérieuse entre les temps.
Renvoyant à tout un corpus de références et d’histoires, les images choisies par Russell Joslin résistent à bien des psychanalyses sauvages et font se dresser Jung dans sa tombe. Les photographies désarticulent les images féminines fomentées par de fieffés machos ou soulignent celles perverses. Meret Oppenheim — selon laquelle « pour les fétichistes il n’y a que dans le détail qu’on puisse atteindre l’absolu » — n’est pas loin. Cela revient à jeter de l’huile sur le feu sacré de l’éros tordu, revu et corrigé par des hôtes iconoclastes — parfois romantique à leurs heures.
Les flaques d’eau de rose sont passées au noir et les déserts se remplissent de sables émouvants. Preuve que son eau tarit jamais.
jean-paul gavard-perret
Russell Joslin & alls, Black Forest, livre et exposition du 4 novembre au 20 décembre 2014, Candela, 2014, Richmond, Virginie, USA, 128 p. — 45 $.
Noter la présence dans l’ouvrage de l’immense photographe Irina IONESCO dont l’oeuvre constitue, à bien des égards, un formidable voyage dans l’inconscient et explore à bien des égards les territoires de la psychanalyse qui commencent avec l’enfance et se terminent avec l’angoisse de la mort… Ce livre est véritablement d’une grande qualité éditoriale.