La Mission (Heiner Müller/Michael Thalheimer)

Le texte reste lui-même dis­tant à l’égard des sujets qu’il traite

Une forme se meut len­te­ment : il s’agit d’une rota­tion, celle d’un monu­men­tal rouage à quatre branches, qui finit par lais­ser appa­raître un per­son­nage grimé, sali, aviné comme un clodo. L’argument est connu ; il est énoncé par l’ivrogne : alors qu’outre-mer on répand la bonne parole, les chan­ge­ments de pou­voir inter­ve­nus en France la rendent obso­lète. Napo­léon a pris en main les affaires de l’Empire et réta­bli l’esclavage : les mis­sion­naires de la liberté, char­gés de pro­vo­quer le sou­lè­ve­ment des peuples asser­vis, sont donc dépos­sé­dés du prin­cipe de leur fonc­tion. Le décor reste sombre, presque noir ; l’inexorable cré­ne­lage pour­suit sa rota­tion lente en ne s’arrêtant que par inter­mit­tence au cours de la repré­sen­ta­tion. Le texte se pro­pose d’explorer les ten­sions inhé­rentes à l’entreprise fran­çaise dans son ambiguité.


M
ais l’écriture de Hei­ner Mül­ler adopte une forme trop théo­rique, presque her­mé­tique : le texte reste lui-même dis­tant à l’égard des sujets qu’il traite. L’ironie de la mise en scène risque de le faire som­brer dans la cari­ca­ture. Une longue tirade d’un employé exprime de façon redou­blée le désar­roi du fonc­tion­naire déchu de sa mis­sion. On retien­dra quelques adresses réus­sies, des moments plai­sants, tels la belle pres­ta­tion de l’ange du déses­poir ; mais dans l’ensemble, le spec­tacle ne trouve pas son rythme. La pièce s’achève par un plai­doyer pour la révolte des esclaves. Ne par­ve­nant pas à faire autre chose qu’illustrer la décla­ra­tion des droits de 1793 qu’il a pla­cée en exergue de son pro­pos, le texte reste peu effi­cace et sen­si­ble­ment redon­dant, parce qu’il ne se pro­pose pas d’explorer des dif­fi­cul­tés pour en mon­trer l’évolution. Il ne reste de ce spec­tacle qu’une puis­sante construc­tion scénique.

chris­tophe giolito

La Mis­sion
de Hei­ner Mül­ler  tra­duc­tion de l’allemand Jean Jourd­heuil et Heinz Schwar­zin­ger  mise en scène Michael Thalheimer

avec : Jean-Baptiste Anou­mon, Noé­mie Develay-Ressiguier, Claude Dupar­fait, Ste­fan Konarske, Char­lie Nelson

Scé­no­gra­phieOlaf Alt­mann ; musique Bert Wrede ;lumières Nor­man Plathe ; cos­tumes Katrin Lea Tag ; drama­tur­gie Anne-Françoise Ben­ha­mou ; assis­tante à la mise en scène San­drine Huti­net ; maquillageJus­tine Denis ; sta­giaires à la mise en scène Laura Beillard, Lisa Guez ; assis­tante cos­tumes Isa­belle Flosi.

Créa­tion à La Col­line, Grand Théâtre, du 05 Novembre 2014 au 30 Novembre 2014.

Du mardi au samedi à 20h30, sauf le mardi 25 à 19h30 et le dimanche à 15h30

Durée 1h30 envi­ron. http://www.colline.fr/fr/spectacle/la-mission

Pro­duc­tion La Col­line – théâtre natio­nal Le texte de la pièce a paru aux Edi­tions de Minuit en 2006.

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