Michel Houellebecq, Les Particules élémentaires

This is the end  

Ecce Homo. Voici l’homme. Ou plus exac­te­ment ce qu’il en reste. Sur­vi­vants pathé­tiques d’une civi­li­sa­tion à bout de souffle, Bruno et son frère Michel ne sont que les pôles d’une même détresse exis­ten­tielle.
Au sein d’un monde où la valeur d’un être humain “se mesure par son effi­ca­cité éco­no­mique et son poten­tiel éro­tique “, Bruno le maté­ria­liste incarne la recherche éper­due de sexe jusque dans les affres du monde inter­lope échan­giste. Son frère Michel, scien­ti­fique posi­ti­viste, est, lui, déses­pé­ré­ment étran­ger à tout désir amou­reux au grand dam d’Annabelle qui, mal­gré sa haute valeur mar­chande, com­pre­nez sa beauté, ne connaî­tra pas l’amour.

C
onsom­mer n’est pas aimer. C’est que les trans­ports amou­reux n’empruntent pas for­cé­ment les auto­routes du libre-échange. Que reste-t-il de ce manque d’amour ? Des êtres vides, balles per­dues qui s’égarent un temps de leurs cibles, fussent-elles émou­vantes, pour finir par tou­cher des tempes grises et fati­guées. Le sui­cide est l’avenir de l’homme, aussi sûre­ment que ce der­nier doit accom­plir sa révo­lu­tion, géné­tique celle-là, pour fran­chir les por­tiques d’une nou­velle Gat­taca matriar­cale.
Une fois la per­pé­tua­tion de l’espèce dis­so­ciée de l’acte sexuel, l’homme en tant que concept repro­duc­teur devrait en effet être frappé de cadu­cité. La femme sera alors véri­ta­ble­ment l’avenir de l’homme. Et cette révo­lu­tion eugé­niste posi­tive, c’est Michel et sa soif de connais­sances qui l’accomplira : hié­ra­tique gou­ver­nail d’un bateau ivre sur le fleuve désolé de l’Amour.

Que reste-t-il des Par­ti­cules élé­men­taires ? Dans le droit fil du roman­tisme alle­mand et de Nova­lis, dont Houel­le­becq se réclame, une oeuvre “totale” mêlant poé­sie, socio­lo­gie, his­toire des moeurs et lit­té­ra­ture de la plus belle veine. Bref, une oeuvre forte, à la fois cli­nique et tou­chante sur l’errance et les erre­ments de l’homme en cette fin de siècle.
Une oeuvre méta­phy­sique au sens plein du terme, écrite par un homme qui s’élève contre les tenants de “l’écriture pour l’écriture” et qui aime à répé­ter cette phrase de Scho­pen­hauer, qui lui sied si bien : “La pre­mière — et pra­ti­que­ment la seule — condi­tion d’un bon style, c’est d’avoir quelque chose à dire.”

ste­ven barris

Michel Houel­le­becq,   Les Par­ti­cules élé­men­taires, J’ai lu, 2000, 317 p. — 6,40 €.

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