Juanra Fernandez & Mateo Guerrero, Gloria Victis — t.1: “Les Fils d’Apollon”

Gloire aux vaincus !

De l’Empire romain, la Grande His­toire a retenu le goût des citoyens pour les jeux du cirque, par­ti­cu­liè­re­ment les com­bats des gla­dia­teurs. Cepen­dant, les courses de chars consti­tuaient alors un des diver­tis­se­ments majeurs de la Rome antique. Les conduc­teurs de qua­drige sont des héros adu­lés du public. Sur leurs vic­toires, des parieurs risquent des for­tunes. La série Glo­ria Vic­tis place son action au cœur de ce diver­tis­se­ment, dévoi­lant les cou­lisses de celui-ci.
En l’an 156 de notre ère, Dio­clès le plus célèbre des auriges, est dans une pro­vince en Espagne. Il fonde beau­coup d’espoirs sur son élève, Her­me­ros, pour lui suc­cé­der. Parmi les quatre concur­rents qui s’alignent ce jour-là, Vic­tor use de traî­trise et pro­voque un grave acci­dent. Aelio, depuis les tri­bunes, assiste à la mort de son père. Il se pro­met de ne jamais être un aurige. Douze ans plus tard, alors qu’il est esclave à Vale­ria, il sauve de la mort Hora­cia et Fabia sa ser­vante. Cette matrone, ô com­bien aca­riâtre !, est l’épouse de Caius Gra­tius Nigu­nis, un ama­teur de courses et de che­vaux. Aelio, en guise de récom­pense pour son geste cou­ra­geux, demande la grâce de Fabia, res­pon­sable, selon sa maî­tresse, de sa mise en dan­ger et pro­mise à un ter­rible châ­ti­ment. Caius, qui connais­sait Her­me­ros, per­çoit chez le fils son amour pour les che­vaux, les capa­ci­tés du jeune homme à les dres­ser et s’en faire obéir. Il le prend sous son aile, l’affranchit et en fait son pale­fre­nier espé­rant qu’il devienne rapi­de­ment un aurige. La matrone, per­ce­vant les tendres sen­ti­ments qui se nouent entre Fabia et Aelio, décide d’empêcher leur union et de détruire leur bon­heur. Le fils du conduc­teur res­pon­sable de la mort d’Hermeros a pris la suite de son père. Il est ambi­tieux et avide de gloire, et comme lui, est prêt à user des moyens les plus abjects pour gagner…

Juanra Fer­nan­dez est d’abord un cinéaste. Il a signé plu­sieurs courts-métrages, un long métrage (Pour Élise) et en ter­mine un second. Il a, par ailleurs, fait paraître trois romans et obtenu, dans son pays, le Prix Natio­nal du Roman his­to­rique. Aussi, il ne faut pas s’étonner que son scé­na­rio abou­tisse à une pré­sen­ta­tion très visuelle. C’est lors d’une visite au musée de Cuenca, devant la stèle funé­raire d’un aurige, que l’auteur a eu l’idée de res­sus­ci­ter ce per­son­nage, célèbre en son temps, et oublié par l’Histoire. D’où le titre quelque peu iro­nique de la série. Il lui, per­met, éga­le­ment, de décrire la civi­li­sa­tion romaine en l’observant par le “petit bout de la lor­gnette”.
Pour son héros, un jeune homme qui, bien que hanté par la mort de son père, pos­sède une pas­sion pour les che­vaux, il ne se contente pas d’une situa­tion dicho­to­mique cen­trée sur un seul dilemme. Il met en place les élé­ments d’intrigues mul­tiples qui doivent se mon­trer pas­sion­nantes dans les trois pro­chains tomes.
Le des­sin de Mat­teo Guer­rero fait mer­veille pour mettre en images cette his­toire conçue pour être très visuelle. Il réa­lise des planches superbes. Ses vues des arènes, des courses de chars, des che­vaux sont par­fai­te­ment réus­sies. Il construit une gale­rie de per­son­nages aux­quels il donne une mobi­lité des traits, une expres­si­vité très forte.
Les Fils d’Apollon se révèle un pre­mier tome convain­cant tant par son intrigue que par son gra­phisme, la pro­messe d’une série attrac­tive et remarquable.

serge per­raud

Juanra Fer­nan­dez (scé­na­rio), Mateo Guer­rero (des­sin), Javi Montes (cou­leurs), Glo­ria Vic­tis, tome 1 : “Les Fils d’Apollon”, Le Lom­bard, octobre 2014, 56 p. — 13,99 €.

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