Les parcs de loisirs, les zones de divertissement sont conçus comme des paradis pour les visiteurs, mais se révèlent souvent un enfer pour ceux qui y travaillent. Une variation époustouflante de cette situation est imaginée par Luc Brunschwig.
Monplaisir est le plus grand parc d’attractions de la galaxie. Construit sur trois cent mille hectares, il attire quotidiennement des millions de visiteurs. Ce lieu, où se brasse tant d’argent, attire les convoitises de nombreux criminels. Les Urban Interceptors, une brigade d’élite, est chargée de contrer ce banditisme. Comme tout est prétexte à jeux, les arrestations sont filmées en direct et font l’objet de paris.
Zacchary, un fils de fermier, vient de rejoindre cette troupe d’élite. Il s’apprête à arrêter Antiochus Ebrahimi, un tueur à gages sans scrupules quand tout bascule. Une fusillade éclate et une attaque terroriste des Ennemis de Sodome dévaste Monplaisir. L’alimentation électrique est sabotée, la ville est saccagée.
Lapinou, l’avatar de Mr Foll, recherche la représentation d’A.L.I.C.E, l’IA qu’il a créée pour gérer la cité. Or, le logiciel, aussi perfectionné soit-il, n’est pas conçu pour régler ce genre d’événement jugé hautement improbable. Zaccary, effondré, veille la dépouille d’un garçonnet tué à côté de lui, dans la fusillade et se remémore sa première rencontre avec Mr Foll.
Et, dans la cité en ruines, Zach va de révélations et révélations, alors que la situation de Foll se dégrade, qu’il se retrouve confronté à des événements inhabituels.
L’univers du jeu, de la distraction organisée et dispendieuse a donné lieu à nombre d’intrigues, que ce soit les combinaisons et variations sur la masse énorme d’argent qui circule ou le décor flamboyant de ces usines à rêves. Luc Brunschwig donne une dimension supplémentaire en déportant son décor à l’échelle de la galaxie. Il s’inscrit, ainsi, dans la démesure de réalisations pharaoniques de Las Vegas ou de Macao. Avec son héros, le scénariste place un homme bon, qui parait presque naïf, dans un repaire de requins. Cette bauge se retrouve chaque fois qu’il y a de l’argent, des richesses en jeu. Il propose, dans un univers truqué, de suivre le parcours d’un individu qui croit en l’humanité, à sa mission de protection d’une société contre des criminels. Il le confronte à des forces qui le dépassent. Un homme seul peut-il lutter contre la puissance des technologies, contre des êtres vicieux, pervertis par l’argent, prêts à toutes les trahisons ?
Dans cette fable philosophique d’une grande portée, il utilise nombre de flashbacks qui éclairent les enjeux et les raisons qui ont amené les protagonistes où ils sont. Il conçoit une intrigue tortueuse à souhait, utilisant avec un art consommé les règles pour faire monter la tension, pour organiser et amener les coups de théâtre et les révélations. Il possède également l’art de la chute et offre conclusion d’une grande force.
Roberto Ricci, pour son dessin, use au mieux des possibilités graphiques de son art, mettant en scène une galerie expressive de personnages. Ce dessinateur s’est déjà illustré avec la mise en images des Âmes d’Hélios sur un scénario de Philippe Saimbert (Delcourt). Il offre, ici, un graphisme d’une grande élégance, avec des décors d’une grande qualité.
Urban, avec ce troisième tome, s’inscrit comme une série à l’indéniable attrait, avec un maître-conteur d’exception aux commandes, relayé par un créateur au talent qui s’affirme d’album en album.
serge perraud
Luc Brunschwig (scénario), Roberto Ricci (dessin), Giovanna Niro, Roberto Ricci, Manolo Linares (couleur), Urban, tome 3 : “Que la lumière soit”, Futuropolis, septembre 2014, 56 p. – 13,50 €.