Philippe Blanchon, Chevaux des Vagues

L’œuvre sans fin de Phi­lippe Blanchon

Philippe Blan­chon crée une œuvre monu­men­tale où des voix se croisent de manière énig­ma­tique d’un livre à l’autre. La mise en abyme ne cesse de s’approfondir dans un mou­ve­ment autant d’itérations que de ver­tiges. Il vient ren­for­cer le « au com­men­ce­ment la répé­ti­tion » de Michaux. Des scènes s’ouvrent, des voix se mêlent. Temps et lieux font de même au sein d’un laby­rinthe aussi hori­zon­tal que ver­ti­cal. Le poète semble la mesure de toute chose mais les appa­rences sont trom­peuses. La poé­sie est habi­tée de failles. Elles mettent à mal tous les sophistes des pré­ten­dus savoirs.
Blan­chon déroule les textes de manière à créer une maïeu­tique non étran­gère à la rémi­nis­cence comme à l’advenir à soi et au monde sans pour autant qu’une tota­lité se noue. Par­leurs et inter­lo­cu­teurs du poète inventent leurs propres his­toires afin, par le dia­logue, de détruire celui qui les pré­cède et en pui­sant des anec­dotes de ça et de là selon divers cycles.

Dans Che­vaux des vagues, le poète reprend celui de Mar­tin. Il se trouve dans ce texte en confla­gra­tion ou en dia­logue avec San­dra. L’échange per­met de tra­ver­ser le monde et de convo­quer une fois de plus l’histoire, l’art, la lit­té­ra­ture. Le dia­logue crée un feuillage dont le poète mul­ti­plie les branches sans cher­cher à les réunir. L’impatience du sens étin­celle mais reste une vue de l’esprit. Elle échappe au livre. La femme vient vers l’homme mais le che­min qui pour­rait les réunir se ren­verse, porté par la rafale cir­cu­lante de phrases rases, sans embel­lis­se­ments fac­tices et super­fé­ta­toires.
La parole est prise de fré­mis­se­ments, d’éclats « purs » presque abs­traits mais par effet de lit­té­ra­lité. Dans le grillage des lignes la cohé­rence demeure défaite. C’est pour­quoi Phi­lippe Blan­chon conti­nue sa quête. Elle est liée au ventre de l’être et du monde par delà toutes ses limites, tem­po­relles ou géo­gra­phiques. Le texte — celui-ci comme ceux qui le pré­cé­dent ou le sui­vront – devient symé­trique aux luttes du poète et du monde. La paix ne se trouve nulle part. Les guerres y demeurent, elles sont les montres du temps.
Tout reste en éter­nel débat, corps contre corps : l’œuvre s’amarre donc au plus grand des voyages. Il n’a rien de reposant.

jean-paul gavard-perret

Phi­lippe Blan­chon, Che­vaux des Vagues, Edi­tions la Nerthe, 2014.

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