De cape et d’épée, un genre qui se renouvelle
De d’Artagnan à Lagardère, les bretteurs n’ont rien perdu de leur attrait et Les Trois Mousquetaires restent une valeur sûre. Il suffit, pour s’en convaincre, de voir le nombre de films que leurs aventures génèrent. Aussi, un retour aux sources du genre, pimenté d’alchimie et de pierre philosophale, n’est-il pas une promesse de lecture-plaisir ?
Antoine Velayne a été élevé par Masao, un samouraï sauvé par son père le jour où sa mère est morte en couches. Formé au combat, il est devenu duelliste. Il remplace celui qui, bien que provoqué, refuse de se battre, souvent par peur. À Paris, sa réputation le précède car il n’a perdu aucun combat. Il se retrouve pourtant dans un simulacre de duel et tout se complique…
L’action du second tome s’ouvre sur l’arrivée d’Antoine et Masao chez Bartolomeo pour soigner l’homme qu’ils transportent dans une cape. Il s’agit de Deslandois, un élève de Nesle le fou, l’alchimiste mort récemment. Ce dernier aurait découvert le secret de la pierre philosophale. C’est le roi, lui-même, qui a poussé ces recherches pour faire de l’or, car les caisses de l’État sont désespérément vides. Guidés par Bartolomeo, alchimiste, médecin, scientifique, ils se lancent sur la piste encore fraîche du secret caché par Nesle le fou avec tous les dangers inhérents. En effet, ils sont nombreux, pugnaces et bien armés tous ceux qui veulent ce secret…
Les histoires de cape et d’épée rappellent la saveur d’un temps qui privilégiait le goût du panache, de la bravoure, des grandes chevauchées, de l’amour platonique. Elles ravivent aussi la susceptibilité à fleur de peau de ces bretteurs qui déclenchaient un duel pour des broutilles, donnant toutefois sa chance à l’autre en se battant à la loyale et non contre quelqu’un de désarmé. Emmanuel Herzet multiplie à l’envi les combats, les assauts où se mêlent les épées et autres armes blanches aux pistolets à pierre. Il n’hésite pas à mettre en scène le résultat de ces affrontements, à savoir du sang, des blessures graves, des têtes qui sautent, des membres coupés…
Le nombre des assaillants n’inquiète pas les deux héros qui font face avec une efficacité redoutable. L’auteur glisse dans l’intrigue principale des histoires annexes qui apporteront sans doute une interaction avec des péripéties futures mais dont le but, aujourd’hui, reste flou dans l’état actuel du récit.
Herzet introduit, avec l’alchimie, une large part d’ésotérisme, faisant appel aux grands dogmes sur lesquels elle repose et les grands thèmes qui peuplent le genre avec ses figures incontournables comme celle de Nicolas Flamel. L’idée de base est intéressante avec ce roi voulant obtenir de l’or par l’alchimie, plutôt que de lever de nouveaux impôts. L’action est soutenue, même dans les digressions. Les péripéties et les rebondissements s’enchaînent, menés par un groupe de personnages aux profils bien pensés et construits. Et l’humour n’est pas oublié : on rencontre, par exemple, un d’Artagnan désabusé qui emploie des expressions d’aujourd’hui : “Je me contenterai de faire mon travail… oubliés les horaires flexibles.”
Le dessin réaliste d’Alessio Coppola fait une excellente impression. Celui-ci est fouillé tant pour les traits des intervenants que pour les accessoires, vêtements et décors. Il réalise un travail graphique dynamique où il met en valeur les scènes de combats. La mise en page, bien que classique, est habile et intéressante. Les couleurs, qui sont signées par Slava Panarin, sont éclatantes à l’image de la réalité de cette époque où on était loin de la grisaille et du peu de relief de nos bâtiments ou vêtures modernes.
Un second tome réussi qui donne à cette série, au sujet pourtant bien rebattu, un éclairage attrayant pour une intrigue passionnante et ouverte.
serge perraud
Emmanuel Herzet (scénario), Alessio Coppola (dessin) Slava Panarin (couleurs), Duelliste, tome 2 : « De Verre et d’Acier », le Lombard, septembre 2014, 48 P. – 14,45 €.