Un auteur à découvrir sans plus tarder
Olivier Truc a enthousiasmé les lecteurs avec Le dernier Lapon, son premier roman où il faisait découvrir la civilisation Sami et le mode d’existence de ces derniers dans une région peu fréquentée par les touristes. Il propose, avec Le détroit du Loup, une nouvelle enquête du couple de policiers composé de Nina et Klemet. Nina est originaire du sud de la Norvège. C’est son premier poste après sa sortie de l’école de police. Klemet, un Sami, a toujours vécu en Laponie et connait les lieux et les habitants, les us et coutumes qui régissent cette société.
Les éleveurs sont aux aguets. Les troupeaux, guidés par l’instinct, franchissent à la nage le détroit du Loup pour accéder aux pâturages lors de leur transhumance. Affaiblis par la nourriture pauvre de l’hiver, ils risquent de périr pendant la traversée. Pour empêcher la formation d’un tourbillon mortel, Erik Steggo, un jeune éleveur se lance avec sa barque. Il échoue et se noie. Klemet et Nina, membres de la patrouille 9 des rennes, sont accusés par des proches du mort de ne pas avoir été là pour empêcher le drame. Nils Sormi, un Sami, est le plongeur vedette d’une société spécialisée. Il profite de sa gloire locale auprès des femmes et veut construire une magnifique demeure sur le meilleur site d’Hammerfest.
Les représentants des compagnies pétrolières intriguent auprès de Markko Tikkanen. Ce dernier connaît les terrains susceptibles d’être achetés afin d’étendre les installations. De gros intérêts financiers sont en jeu. Mais les éleveurs refusent d’abandonner les lieux où paissent, traditionnellement, leurs rennes. L’oncle de Klemet s’est amouraché d’une jeune chinoise. En la photographiant, il fixe incidemment une étrange scène qu’il montre au policier. Et c’est le maire d’Hammerfest qui est retrouvé mort, près du détroit du Loup. Il semble avoir fait une sale chute.
Mais ce n’est que le début. Les morts étranges se succèdent. Klemet et Nina, qui ont nombre de problèmes personnels à régler, doivent élucider cette affaire complexe qui trouve son origine dans le passé, une affaire de vengeance ourdie de longue date…
L’auteur, dans son premier livre, par les yeux de Nina, a révélé toute la richesse des traditions Sami et la culture d’un peuple peu connu, peu côtoyé. Essentiellement agraire, cette civilisation s’appuie sur l’élevage des rennes et sur toutes les possibilités qu’offre cet animal. Dans le présent livre, il ouvre un volet différent. La Laponie, qui était considérée comme une région déshéritée, est tout près de la mer de Barents qui regorge de gaz, de pétrole, cet or noir objet de tellement de convoitises. Olivier Truc développe les appétits, les ambitions des nouveaux venus qui s’opposent aux tenants des habitudes, des activités séculaires. Alors, bien sûr, lorsque de tels intérêts sont en jeu, la vie humaine n’a guère de poids, n’a guère de prix. Il place, au cœur de son intrigue, Hammerfest, une ville norvégienne dont on dit qu’elle est la plus septentrionale du monde. Or, celle-ci est en passe de devenir, compte-tenu des richesses proches, le « Dubaï de l’Arctique ».
Avec une intrigue fort bien agencée, parfaitement maîtrisée, la révélation de cadre et de décor exceptionnels, Le détroit du Loup est passionnant à lire. Olivier Truc, avec ce second roman, se révèle comme un romancier de talent, un raconteur d’histoires hors-pair.
serge perraud
Olivier Truc, Le détroit du Loup, Métailié Noir, septembre 2014, 416 p. – 19,00 €.