Collectif, Françoise Pétrovitch

Le silence des agneaux

Le sabre d’enfance est trop planté pour han­ter l’illusion. La bles­sure demeure. Ite missa est. Et ce, déjà depuis la pâque de glace où, dans les plâtres écaillés, le temps s’inclina en accu­mu­lant ses minutes pesantes afin que rien ne bouge. L’enfance reste un brouillon de vie, une répé­ti­tion. Une fac­ture à payer. Et des nuits de larmes dans les bras de per­sonne. Il s’agit pour­tant de résis­ter mal­gré tout le blues à éteindre que Fran­çoise Pétro­vitch rap­pelle.
Esto memor. In memo­riam. Vieux jeu­dis. Vieille cour. Terre cou­leur cas­sis. En dépit des chien­dents. Vou­loir dire. Vou­loir rire. Pas­sion jamais connue. Fer­me­ture plus qu’annuelle dans la lumière du soir. Etre là. Que cela. Au bord de l’attente déjà quelque chose post­hume. Oui le blues, rien que le blues, le blues. A des années lumières. A des années crain­tives. Et leur dérive. Vers un point ima­gi­naire. Soleil étouffé dans les cours inté­rieures ou plu­tôt les cras­siers. Et le souffle de la gui­tare d’Hendrix dans « High­way child ». Une petite fille est debout dans sa soli­tude. Et l’horizon sans suite. Corps incertain.

Presque impos­sible passe tan­dis que le ciel crache son brouillard. Ne res­te­rait qu’un souffle. Qu’un regard. Égé­ries des mères. Œil de lait. Et de Caïn. Visage glacé, caché, tourné vers l’intérieur. Varia­tion entre alerte et énigme. Comme la peur. Sous la jeu­nesse des jupes-chalet leurs joyaux d’iris loin­tains à tout désir. Tout semble aller vers l’ombre tout en cher­chant l’issue. Gale­rie de fillettes ainsi éga­rées, per­dues, à la recherche d’une iden­tité parmi les friches des murs gra­nu­lés à la tyro­lienne. Ne pou­voir s’en déles­ter. Cela aurait été pour­tant la vraie nais­sance. La seule.
En cet amour ter­rible d’un temps déjà jamais venu et que les vieux immeubles ont blo­qué. Impos­sible d’en fran­chir la fron­tière, de prendre un train pour dis­pa­raître sur une voie lac­tée afin de pou­voir se regar­der incré­dule. Cela l’impossible nais­sance. Dans le fourbi de la fable. En son abîme même et l’étoffe de son insom­nie. Yeux dans le vide. Ecou­ter le som­meil avec la poli­tesse du silence des agneaux.

jean-paul gavard-perret

Fran­çoise Pétro­vitch, Sémiose édi­tions, 2014, 336 p.
Textes : Nancy Hus­ton, Fran­çois Michaud.
Entre­tiens : Pas­cal Neveux, Valé­rie Pugin, Paul Ripoche et René-Jacques Mayer.

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