Alain Grousset, La guerre de 14 n’a pas eu lieu

L’His­toire tient sou­vent à fil…

Il eut, sans doute, suf­fit de presque rien pour que la Pre­mière Guerre mon­diale soit évi­tée. Mais alors, com­ment s’organiserait le monde d’aujourd’hui ? Alain Grous­set, dans une superbe uchro­nie, apporte une réponse cohé­rente.
L’action se situe en 2014. Elle débute quand Constance Four­nier assiste à une confé­rence sur les évé­ne­ments qui se sont dérou­lés un siècle plus tôt. L’orateur relate ce qui est, pour lui, l’origine de la situa­tion actuelle. À l’époque, de très fortes ten­sions entre des pays euro­péens liés par de sub­tiles alliances génèrent un cli­mat de guerre immi­nente. François-Ferdinand, à Sara­jevo, dans un geste réflexe lève le bras et dévie la tra­jec­toire de la bombe qui lui était des­ti­née. Plus loin, celui qui devait tuer l’archiduc est cap­turé alors qu’il pointe son pis­to­let. Afin de se pro­té­ger, la France et l’Allemagne mobi­lisent et massent leurs troupes le long de la fron­tière. Les deux armées édi­fient res­pec­ti­ve­ment la ligne Magi­not et la ligne Sieg­fried. La paix est sau­ve­gar­dée, mais à quel prix ! Les deux pays englou­tissent des sommes colos­sales pour gar­der et moder­ni­ser ces lignes de défense.
Constance, d’origine alsa­cienne, est recru­tée par Charles Kel­ler, un vieux mon­sieur à la tête d’une petite revue des­ti­née à ses com­pa­triotes res­tés sous la coupe de l’Allemagne. Parce qu’elle parle bien la langue de l’ennemi, qu’elle est favo­rable à l’arrêt de cet équi­libre trop coû­teux, elle est recom­man­dée par Kel­ler auprès des ser­vices secrets fran­çais. Elle a le pro­fil idéal pour une mis­sion au-delà de la fron­tière. Elle doit tout mettre en œuvre pour échap­per à la cap­ture et réussir…

L’uchro­nie est cette branche de la Science-Fiction qui consiste à poser la ques­tion : « Et si tel évé­ne­ment s’était déroulé dif­fé­rem­ment, qu’elle aurait été la suite de l’Histoire ? » Elle per­met, ainsi, des varia­tions inté­res­santes en inté­grant une fic­tion dans des évé­ne­ments authen­tiques. Cepen­dant, ce genre est peu prisé car l’exercice est dif­fi­cile. Il faut gar­der une cohé­rence avec l’histoire réelle. La varia­tion la plus uti­li­sée, par des écri­vains en mal d’imagination, prend pour point de départ la vic­toire du IIIe Reich. Alain Grous­set, pour sa part, s’inscrit dans la mou­vance actuelle et envi­sage que l’Archiduc échappe à l’attentat de Sara­jevo. Il ima­gine, alors, un récit cohé­rent à par­tir de faits réels et déve­loppe les consé­quences d’une telle situa­tion sur les popu­la­tions. Il décrit le prix d’une défense avec une ligne Magi­not de cinq cents kilo­mètres qui entraîne une mobi­li­sa­tion d’un tiers des Fran­çais. On retrouve le prix payé, par exemple, par les popu­la­tions des pays de l’Est de l’Europe pour le Rideau de Fer, par celles de la Corée du Nord…
Paral­lè­le­ment, avec son héroïne, il ins­crit une intrigue fort bien trous­sée basée sur l’espionnage tel qu’il se pra­ti­quait lors de la Guerre Froide, pour conser­ver cet équi­libre de la ter­reur. Autour de Constance, qui attire la sym­pa­thie, l’auteur construit une gale­rie de per­son­nages emblé­ma­tiques et attractifs.

Ce roman, des­tiné à un public de jeunes adultes, se lit avec plai­sir ouvrant des pers­pec­tives, recher­chant les faits his­to­riques ou de société et les liens avec notre réalité.

serge per­raud

Alain Grous­set, La guerre de 14 n’a pas eu lieu, Flam­ma­rion, coll. « Père Cas­tor », août 2014, 168 p. – 13,00 €.

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