Claude Louis-Combet, Le nu au transept

Meurtre méta­pho­rique dans la cathé­drale de Bourges

Claude Louis-Combet est un athée des plus reli­gieux. Après un pas­sage dans les asiles de vieillards (Suzanne et les Crou­tons, même édi­teur), il fait retour en des lieux de céré­mo­nies mys­tiques pour des rituels qui le sont peu. Ils sont sou­li­gnés de manière peut-être trop en miroir par les images d’Yves Ver­bière. L’auteur garde sa verve et ses obses­sions : à savoir la révé­la­tion par­fai­te­ment inté­rio­ri­sée d’une fémi­nité qui une fois de plus trouble la vertu et les prin­cipes d’un homme (Joseph) voué à la macé­ra­tion et la prê­trise. La patrie et la reli­gion en prennent pour leur grade même si a priori cette Eve sor­tie toute nue et inno­cente de la Génèse se sub­sti­tue insi­dieu­se­ment à Dieu. Celui qui s’est voué natu­rel­le­ment à l’insatisfaction, voire au mépris de tout plai­sir char­nel, en vient à dou­ter de ses capa­ci­tés mys­tiques…
L’écriture veni­meuse de Louis-Combet s’en amuse tout en fei­gnant de ne pas y tou­cher. C’est d’ailleurs pour­quoi les livres de l’auteur sont des délices. Il se fait nar­ra­teur un peu dis­tan­cié de son sombre héros auquel il fait por­ter le cha­peau d’une pres­sion auquel lui-même n’a pas résisté — ce qui ne l’empêche pas de s’en amu­ser à mesure qu’il avance en âge. A la souf­france de Joseph fait place la « contem­pla­tion » ambi­guë envers celui qu’il vénère et dont il se moque. Il se plaît à décli­ner le jeu de cache-cache sous tran­sept de Joseph et de Maria (les pré­noms ne sont bien sûr pas inno­cents).
Le visi­teur est sen­sible à la robe qui dérobe le plus intime en carte ou pay­sage en frag­ments. Plan fixe  — Mou­ve­ment — Suite ajou­rée. Dès le matin. Lumière sur le visage. Le corps en attente flotte ou coule. Déjà. Tou­jours. Gour­mand de sa gour­man­dise. Dans le regard tac­tile, le tou­cher est lueur. Des filets de mémoire avec regard plein les yeux. Maria pas­sa­gère moel­leuse, démesurée.

Tous les ingré­dients de l’érotisme non en chambre mais en église sont convo­qués au confes­sion­nal mais en même temps dépla­cés. A ce titre, Louis-Combet est l’anti de Sade même si les deux cultivent une théâ­tra­lité cri­tique de la société. Sous les vitraux de la cathé­drale, un meurtre méta­pho­rique est accom­pli avec pompes lourdes mais éthé­rées. Ce tiraille­ment des extrêmes est une nou­velle fois capi­tal dans l’œuvre de l’écrivain qui s’en donne à corps joie dans le lieu « enchanté » et  enchan­teur de la cathé­drale de Bourges sou­dain revi­si­tée à. la baisse comme à la hausse dans les exhi­bi­tions de Maria.
Le mys­tère de l’hymen de l’âme et de la chair suit son cours en un jeu de cache-cache où se lit « la joie, la mélan­co­lie, le dou­leur » La dou­ceur aussi. D’où la fas­ci­na­tion d’un texte qui cache et dévoile dans la solen­nité d’une exhi­bi­tion sans cesse décalée.

jean-paul gavard-perret

Claude Louis-Combet, Le nu au tran­sept, Edi­tions L’Atelier Contem­po­rain, Stras­bourg, 2014, 92 p. - 15,00 €.

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Filed under Erotisme, Poésie, Romans

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