Yana Vagner, Vongozero — Rentrée 2014

 Quand le post-apocalyptique devient psy­cho­lo­gique : la belle sur­prise de la rentrée

Diffi­cile de faire le tri dans l’avalanche de livres de cette ren­trée lit­té­raire, heu­reu­se­ment par­fois le cri­tique a la chance de tom­ber du pre­mier coup sur un ouvrage qu’il ne regret­tera pas d’avoir lu, bien au contraire. C’est le cas du Von­go­zero de Yana Vagner, qui ouvre le mois de sep­tembre pour les édi­tions Miro­bole. Pré­senté par son édi­teur comme un « roman post-apocalyptique », Von­go­zero déjoue néan­moins tous les pièges et évite les habi­tuels lieux com­muns qui auraient pu n’en faire qu’une énième his­toire de sur­vie en milieu hos­tile.
Alors qu’une épi­dé­mie mys­té­rieuse (dont on n’apprendra qua­si­ment rien si ce n’est que ses symp­tômes s’apparentent à ceux d’une forte grippe) décime la pla­nète, un petit groupe de Mos­co­vites – plus pré­ci­sé­ment d’habitants de Zve­ni­go­rod, dans la grande ban­lieue de Mos­cou – plie bagages pour fuir le voi­si­nage devenu mor­ti­fère des autres humains. Des­ti­na­tion : Von­go­zero, un lac isolé et donc cen­sé­ment pro­messe de salut, en Caré­lie. Cen­trée autour d’Anna, la nar­ra­trice, la fuite devant la mala­die et les menaces de pillage se com­plique d’un sus­pense psy­cho­lo­gique. En effet, les rap­ports au sein du groupe – mari/femme, ex-femme/femme en titre, voi­sins snobs et para­sites – deviennent très vite au moins aussi obsé­dants que la quête de car­bu­rant et de sécu­rité, dans une Rus­sie hiver­nale et gla­ciale, et pèsent tout au long du périple.

Si bizarre que cela puisse paraître de prime abord quand il s’agit d’un voyage d’un point A à un point B, c’est moins l’aboutissement qui importe dans ce roman que l’évolution des rap­ports et les bas­cu­le­ments des luttes d’influence à l’intérieur d’un groupe placé en situa­tion extrême. Car Yana Vagner sait, par petites touches extrê­me­ment fines, dépeindre telle micro-humiliation, telle revanche mes­quine ou telle petite conni­vence inat­ten­due. C’est là aussi que réside la fas­ci­na­tion qu’exerce ce roman sur le lec­teur, car si l’on ne peut pas dire que les péri­pé­ties se bous­culent et riva­lisent de sen­sa­tion­na­lisme, cela n’empêche pas de se retrou­ver emporté par l’histoire que l’on a bien du mal à lâcher sitôt la pre­mière page tour­née. Le phrasé de Yana Vagner, long, ample, très bien servi par la tra­duc­tion de Raphaëlle Pache, est à l’image de ce mou­ve­ment qui, une fois amorcé, ne peut s’arrêter : la fuite des per­son­nages sans pos­si­bi­lité de retour, aussi bien que la lec­ture une fois qu’elle est enta­mée.
L’auteure a eu la gen­tillesse de bien vou­loir répondre à quelques ques­tions. Je ne sau­rais que trop vous invi­ter à aller y jeter un coup d’œil ici.

agathe de lastyns

Yana Vagner, Von­go­zero, Miro­bole, coll. Hori­zons pourpres, sep­tembre 2014, 470 p. – 22,00 €

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Filed under Romans, Science-fiction/ Fantastique etc.

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