Quand le post-apocalyptique devient psychologique : la belle surprise de la rentrée
Difficile de faire le tri dans l’avalanche de livres de cette rentrée littéraire, heureusement parfois le critique a la chance de tomber du premier coup sur un ouvrage qu’il ne regrettera pas d’avoir lu, bien au contraire. C’est le cas du Vongozero de Yana Vagner, qui ouvre le mois de septembre pour les éditions Mirobole. Présenté par son éditeur comme un « roman post-apocalyptique », Vongozero déjoue néanmoins tous les pièges et évite les habituels lieux communs qui auraient pu n’en faire qu’une énième histoire de survie en milieu hostile.
Alors qu’une épidémie mystérieuse (dont on n’apprendra quasiment rien si ce n’est que ses symptômes s’apparentent à ceux d’une forte grippe) décime la planète, un petit groupe de Moscovites – plus précisément d’habitants de Zvenigorod, dans la grande banlieue de Moscou – plie bagages pour fuir le voisinage devenu mortifère des autres humains. Destination : Vongozero, un lac isolé et donc censément promesse de salut, en Carélie. Centrée autour d’Anna, la narratrice, la fuite devant la maladie et les menaces de pillage se complique d’un suspense psychologique. En effet, les rapports au sein du groupe – mari/femme, ex-femme/femme en titre, voisins snobs et parasites – deviennent très vite au moins aussi obsédants que la quête de carburant et de sécurité, dans une Russie hivernale et glaciale, et pèsent tout au long du périple.
Si bizarre que cela puisse paraître de prime abord quand il s’agit d’un voyage d’un point A à un point B, c’est moins l’aboutissement qui importe dans ce roman que l’évolution des rapports et les basculements des luttes d’influence à l’intérieur d’un groupe placé en situation extrême. Car Yana Vagner sait, par petites touches extrêmement fines, dépeindre telle micro-humiliation, telle revanche mesquine ou telle petite connivence inattendue. C’est là aussi que réside la fascination qu’exerce ce roman sur le lecteur, car si l’on ne peut pas dire que les péripéties se bousculent et rivalisent de sensationnalisme, cela n’empêche pas de se retrouver emporté par l’histoire que l’on a bien du mal à lâcher sitôt la première page tournée. Le phrasé de Yana Vagner, long, ample, très bien servi par la traduction de Raphaëlle Pache, est à l’image de ce mouvement qui, une fois amorcé, ne peut s’arrêter : la fuite des personnages sans possibilité de retour, aussi bien que la lecture une fois qu’elle est entamée.
L’auteure a eu la gentillesse de bien vouloir répondre à quelques questions. Je ne saurais que trop vous inviter à aller y jeter un coup d’œil ici.
agathe de lastyns
Yana Vagner, Vongozero, Mirobole, coll. Horizons pourpres, septembre 2014, 470 p. – 22,00 €