Il existe, chez les rois, un ars moriendi auquel ils ne peuvent échapper. C’est ce qu’a très bien mis en lumière le délicieux livre dirigé par Patrice Gueniffey, Les derniers jours des rois. L’ouvrage d’Alexandre Maral en confirme les analyses grâce à l’étude minutieuse de la dernière année de vie de Louis XIV. S’appuyant sur les témoignages directs laissés par ceux qui ont entouré la mort du Roi Soleil, l’auteur décrypte toute la symbolique de ce grand passage, dans sa dimension politique mais aussi personnelle. Car celui qui part est certes le plus grand souverain d’Europe mais aussi un humble fidèle de la Sainte Eglise catholique et un individu sensible quittant les siens.
C’est à la fin du mois d’août que Louis XIV prend conscience de sa fin imminente. Jusqu’à cette date, il a gardé la haute main sur les affaires, malgré un affaiblissement progressif. Les questions religieuses et diplomatiques occupent encore une grande partie de son temps. C’est pourquoi la politique, les luttes d’influence, les coteries ne disparaissent jamais, entourant jusqu’au bout le lit de l’auguste mourant. Le problème de la succession tient une place considérable. Ne repose-t-elle pas sur un fragile enfant de cinq ans ? sur une régence confiée à un neveu contesté ? sur les éventuelles revendications d’un petit-fils devenu roi d’Espagne ?
Ce livre décrit en fait la sortie de scène d’un souverain qui, toute sa vie, a placé son corps en représentation. On le suit donc lors de sa dernière Semaine Sainte, son dernier séjour à Marly, sa dernière grande musique, ses dernières audiences. Son avancée vers l’inéluctable nous permet de saisir la réalité de cette mécanique bien huilée qu’est la Cour, à peine perturbée par la maladie royale, et la volonté de Louis XIV de mourir en chrétien. Les adieux à son entourage révèlent aussi la sensibilité du souverain, attaché aux siens et ayant souffert des deuils successifs.
La mort du roi est un acte politique. Le dernier qu’il réalise. Et Louis XIV l’a réussi.
frederic le moal
Alexandre Maral, Les derniers jours de Louis XIV, Perrin, septembre 2014, 308 p. — 22.50 €