Colette Peignot, Les cris de Laure

La recluse de l’amour

Privée des lumières espé­rées de l’amour ter­restre, Laure (Colette Pei­gnot) tenta de voir dans le noir. Et ce, en une fidé­lité aux pre­miers mots son His­toire d’une petite fille : “Des yeux d’enfants percent la nuit”. Mais l’auteure en dépit de sa lutte contre elle-même n’habitait pas la vie mais la mort. Elle fut contrainte de voir plus la nuit dans le jour que l’inverse. Il est vrai que ses exi­gences étaient aussi paroxys­miques en son besoin d’absolu.
Les textes et la cor­res­pon­dance réunis sous la direc­tion de Rebecca Fer­re­boeuf et Jean-Sébastien Gal­laire, le prouvent. Laure y reste la sainte par­ti­cu­lière qui entra dans l’enfer du sexe puis du lan­gage. Elle ne put connaître que l’isolement dans ses deux cel­lules d’amour. Elle dut y accom­plir sa péni­tence comme s’il fal­lait payer pour l’inconsistance de l’être à laquelle cette pas­sion fut por­tée. Elle se retrouve ainsi peu à peu — faute de mieux — ten­due en un appel vers le sacré absolu de l’amour. Lequel devient à lui-même son propre théâtre, comme Laure le devint à elle-même.

Personne ne s’est autant qu’elle assu­mée en un tel absolu jusqu’à la mort. Son amour – ou son idée de l’amour — l’a tuée — comme il tue peut-être l’amant (Bataille pré­fé­rant l’amour de l’idée de l’amour) qui ne put la suivre où elle vou­lut l’emporter. En ce sens, elle est le “modèle” même de la femme sur­réa­liste. Devant la pitoyable comé­die de l’amour que lui pro­pose Bataille, qui la consi­déra comme un infan­ti­lisme sénile et ses “zézaie­ments”, Laure ne connut de lui que ce qu’elle prit à tort ou a rai­son comme le cynisme, la vul­ga­rité du mâle. Se sen­tant comme elle l’écrit “alté­rée” ‚elle ne put trou­ver la part éter­nelle de l’amour dont Bataille fit la pro­mo­tion théo­rique. Elle resta avec son amour si aba­sour­die et son­née qu’elle ne put que scel­ler sa vie par la mort.
Sa posi­tion amou­reuse ramène de fait à la clô­ture. Ou si l’on veut du pareil au même. Elle illustre entre autres que, de la sainte à la condam­née, il n’y a qu’un pas, qu’une simi­li­tude. Dans l’amour tel que Laure le conçoit ne demeure qu’un ver­tige angois­sant puisqu’au sein du pas­sage espéré rien n’est jamais pos­sible. L’homme étant en grande par­tie « rêvé », il ne fut qu’un « éter­nel traître » la pre­nant à revers.

jean-paul gavard-perret

Colette Pei­gnot, Les cris de Laure (frag­ments et poèmes) suivi de cor­res­pon­dance (1923–1936), Edi­tions les Cahiers, Coll. Hors Cahiers, Stras­bourg, 2014, 120 p. - 20,00 €.

1 Comment

Filed under Poésie

One Response to Colette Peignot, Les cris de Laure

  1. Austin

    Merci pour cet article ! J’ai quelques articles simi­laires sur mon site de poé­sie d’amour

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