Yves Leclair, Voie de disparition

Yves Leclair le “sauve-heures”

Dans un esprit cher au trop oublié P-A Jour­dan, Yves Leclair offre ici une médi­ta­tion poé­tique sur l’existence et l’écriture, mots qu’on pré­fé­rera à éthique et esthé­tique d’autant que l’auteur use (sans abu­ser) de pointes d’humour jamais gra­tuites, tou­jours suaves. Yves Leclair dif­fé­ren­cie de la sorte le tra­vail de la mélan­co­lie de l’être de celui du désir de vivre. Para­doxa­le­ment, afin d’y par­ve­nir, Voie de dis­pa­ri­tion est mis aussi sous l’égide impli­cite de Du Bou­chet et Beckett : ils donnent tout leur sens au titre comme au contenu du livre.  Celui-ci devient la sou­pente ou garde-manger des jours (qu’il pleuve ou fasse beau) et aussi un car­net de voyage dans lequel l’auteur rap­pelle « qu’il faut tou­jours écou­ter celui qui se tait ». Notons au pas­sage l’anti-machisme  de l’auteur ( “celui” des­celle le “celle”)  et sa luci­dité : le vent se balance de et des mots.

Tel un pare-chemin de « moine ou singe en hiver » ‚le texte devient la mise en forme de ce qui nous pénètre sans qu’on y prenne garde comme de ce qui nous échappe par belles tor­sions de l’inconscient. Du moins, c’est notre seule jus­ti­fi­ca­tion. D’autant que le poète en frac­ture la porte en prou­vant com­bien dehors et dedans sont choses réver­sibles et qu’il ne faut pas confondre la lumière et l’océan. La pre­mière est une goutte, la seconde l’obscur.
Et c’est là le départ de toute une poé­tique en lamen­tos de tour­te­relles et décoc­tions de rata­fia. S’y opère à la méta­mor­phose des fan­tasmes plus que leur coa­gu­la­tion. Et qu’importe leur ordre : mam­mi­fère, ortho­ptère, sym­pho­nique, lyrique, que sais-je encore : tous créent l’espace qui nous sépare de nous-mêmes. C’est pour­quoi Yves Leclair fait de sa voie de dis­pa­ri­tion un che­min para­doxal : celui qui rap­pelle la vie d’avant le jour et d’avant le lan­gage. Ne serait-ce ‚tout compte, fait le par­fait digest de l’histoire de l’humanité ?

jean-paul gavard-perret

Yves Leclair, Voie de dis­pa­ri­tion, Librai­rie de la Brèche édi­tions, Vichy, 2014, 56 p. — 6,90 €.

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