Gilles Bornais, J’ai toujours aimé ma femme — Rentrée 2014

On a tou­jours aimé Bornais

Après vingt-quatre ans d’un mariage qu’il décrit comme idyl­lique avec Mylène, Jean-Baptiste rentre chez lui un ven­dredi soir, impa­tient à l’idée du week-end en Nor­man­die qu’il a prévu avec sa femme. Sauf qu’en lieu et place de la douce Mylène, il trouve un mot sec posé sur le comp­toir de la cui­sine : « Je ne ren­tre­rai pas ». Débute une vio­lente des­cente aux enfers, la lita­nie des ques­tion­ne­ments, des inquié­tudes, des angoisses, les recherches infruc­tueuses, l’errance… Et bien­tôt le bout d’un tun­nel qui ne débouche pas vrai­ment où l’on s’attendait. Car Jean-Baptiste n’est peut-être pas l’époux exem­plaire qu’il nous a décrit, et son mariage n’est peut-être pas le long fleuve tran­quille auquel il nous/se force à croire. Peu à peu, aux sou­ve­nirs de l’amour fusion­nel se mêlent ceux des incar­tades, des coups de canif dans le contrat.

C
ar les appa­rences sont trom­peuses, dans ce roman de Gilles Bor­nais, et cela donne lieu à une intros­pec­tion dans la psy­ché d’un homme tour­menté. Le lec­teur erre avec lui dans un Paris froid et plu­vieux, à Deau­ville, à Hon­fleur, à Étre­tat, sur les traces de son amour envolé, se pose avec lui les ques­tions, tente de démê­ler l’écheveau. On se prend de com­pas­sion pour le pauvre homme aban­donné sans une expli­ca­tion, qui ne se rend pas et tente par tous les moyens de com­prendre ce qui lui arrive, fouillant dans la vie de sa femme, sans pen­ser à fouiller dans la sienne propre. Pas éton­nant, puisqu’il est myope (« 3 à chaque œil »), qu’il ne voie pas plus loin que le bout de son nez. Cela ne vien­dra que plus tard, mais pas sans l’intervention d’une fille loin­taine et gla­ciale qui a mani­fes­te­ment pris le parti de sa mère, d’un fils qui se sou­cie de son père comme d’une guigne et d’une psy­cho­logue de couple quasi mutique. Le temps s’étire, les jours se répètent à l’instar des son­ne­ries du télé­phone de Mylène qui s’égrènent sans que jamais elle ne réponde. Et pour­tant elle n’est jamais loin, elle est même au centre du roman, même si telle l’Arlésienne jamais on ne la ren­contre autre­ment qu’à tra­vers les sou­ve­nirs de son mari.

Après de nom­breux thril­lers, Gilles Bor­nais nous pro­pose avec J’ai tou­jours aimé ma femme ce qu’il qua­li­fie lui-même de « roman d’amour noir ». Et en effet, il y a là de l’amour, mais aussi du sus­pense, une intrigue plu­tôt bien fice­lée et dont les rouages ne nous appa­raissent que peu à peu, sans péri­pé­ties extra­or­di­naires, certes, mais avec un joli retour­ne­ment de situa­tion. Et en fili­grane, une réflexion sur le couple, l’amour et la fidélité.

agathe de lastyns

Gilles Bor­nais, J’ai tou­jours aimé ma femme, Fayard, août 2014, 249 p; – 18,00 €

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