Elément intempestif pour « space opera »
A la Triennale de sculptures Bex&Arts, au milieu de la nature, Alexandre Joly avait exposé une cacahuète géante tel un objet venu d’une autre planète et s’échouant là. Puis il a imaginé qu’un jour une tubercule de l’arachide serait envoyée dans l’espace. L’EPFL (Université de Lausanne) a décidé d’offrir à l’artiste, sur le Campus de la cité, l’occasion de concrétiser son projet. Le créateur a installé une cacahuète spatiale sur une rampe de lancement près du Rolex Learning Center à l’allure futuriste. Au moment même où « Curiosity » se posa sur Mars, il y avait là une confrontation de l’utopie et du réel dans l’envol de l’ovni « arachidien » propice par objet interposé à un saut d’homme et go more…
Et ce comme si la cacahuète avait toujours accompagné l’être humain dans ses rêves les plus fous. Faut-il y voir une stratégie cognitive, symbolique ? Pas sûr. Mais Joly fait mieux : l’iconoclaste dans ses affres imaginaires s’amuse avec intelligence. Il fait de l’arachide son huile et sa muse aux grands mots et son grand remède. Elle devient le céleste hymen. Côté ouest, elle largue de l’est. Sous le ciel vaudois la cacahuète est devenue le temps d’une installation une « âmulette » là où pas très loin, dans le lac, les poissons ne font que des cercles. On peut même estimer que dans des contrées aux cheminées coiffées de fées la cacahuète pénètre leurs échancrures corsaires où Dante erre : mais la tubercule n’a pas de dents contre lui. Ses mots sont néanmoins sciés par cet envol qui met la charrue devant l’hébreu. Un tel projet fait grommeler la lune de miel. Mais Joly ne fait pas d’un tel fromage un lait mental. S’envolant, la cacahuète danse un tango argent teint, bifide bi-raisin, auprès de belles spectatrices qui vitupèrent lubriques tant elles ont de ressorts au lit. Quant à Joly, levé à la belle étoile, il contempla son ovni à faim d’extases célestes. Remercions-le de cet envol en paradis.
jean-paul gavard-perret
Alexandre Joly, La cacahuète spatiale, éditions art&fiction, Lausanne, 2014