Stéphane Giocanti, C’était les Daudet

L’ensemble d’une  famille au prisme de la littérature 

Les vacances ont ceci de bien qu’elles per­mettent, au milieu d’un far­niente de bon aloi et par­fois contraint – j’en sais quelque chose  – de repar­cou­rir ses éta­gères à la recherche de quelque lec­ture. C’est ainsi que j’ai retrouvé le pas­sion­nant ouvrage de Sté­phane Gio­canti consa­cré à la geste des Dau­det. En ces années de retour de la droite décom­plexée, c’est l’ouvrage idéal pour réchauf­fer ce fri­leux mois d’août.

On connaît déjà (entre autres) deux inté­res­sants ouvrages de Sté­phane Gio­canti : une bio­gra­phie de Charles Maur­ras ainsi qu’une His­toire poli­tique de la lit­té­ra­ture dans une série très ori­gi­nale chez Flam­ma­rion, dont je vous recom­mande la fré­quen­ta­tion assi­due. L’auteur s’intéresse à un milieu qu’il connaît par­ti­cu­liè­re­ment bien. Vous avez for­cé­ment retenu deux noms de l’illustre famille : Alphonse, popu­la­risé par l’enseignement secon­daire et les films de Pagnol, et Léon, dont les talents de polé­miste ont fait les beaux jours de l’Action fran­çaise. Mais la saga se com­plète de bien d’autres noms : Ernest, Julia, Lucien, Marthe, Charles. Com­ment ces per­son­nages évoluent-ils les uns par rap­port aux autres ?

Dans des cha­pitres éru­dits et clairs, l’auteur va pas­ser en revue l’ensemble de la famille au prisme de la lit­té­ra­ture : « quand on pénètre l’univers des Dau­det, on se prend à consi­dé­rer la lit­té­ra­ture comme un phé­no­mène fami­lial, presque tri­bal, puisque aucun de ses membres n’est abso­lu­ment indé­pen­dant de l’autre. […] Les membres de cette fra­trie ont cha­cun publié des ouvrages et des articles plus ou moins mar­quants. Ils ont noué entre eux des liens étroits, connu des bon­heurs et des conflits cachés au public, ils ont sou­vent fait béné­fi­cier l’un de leurs parents de leurs recom­man­da­tions et de leurs rela­tions, de leur expé­rience et de leurs doutes et ils ont com­mu­nié dans une ambi­tion lit­té­raire et artis­tique com­pa­rable, à laquelle Alphonse a donné le la. Sans Léon, Alphonse n’aurait peut-être pas trouvé l’idée de L’Évangéliste. Sans Lucien, Léon Dau­det n’aurait sans doute pas com­pris toute l’ampleur du génie de Proust. Sans sa femme Marthe, la moi­tié des œuvres de Léon Dau­det eussent été dif­fé­rentes. La lec­ture des romans de Léon et de ceux de Lucien fait appa­raître l’existence d’une fabrique Dau­det, d’un savoir-faire « mai­son » […]. Il n’est pas jusqu’au jeune Mar­cel Proust et au jeune Jean Coc­teau qui n’aient été admis comme des enfants adop­tifs d’Alphonse et de Julia, comme si la force d’attraction de la famille Dau­det dût l’enrichir de plu­sieurs étoiles ».    De fait, cette bio­gra­phie fami­liale se lit comme un roman, et per­met de voir l’évolution d’une famille de la Res­tau­ra­tion au début du XXe s., l’histoire se ter­mi­nant avec la mort du fils de Léon Dau­det dans un impro­bable sui­cide, et dans une époque où la France allait connaître de si grands bouleversements.

yann-loic andre

Sté­phane Gio­canti, C’était les Dau­det, Flam­ma­rion, jan­vier 2013, 398 p. –23,00 €.

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