Les anti-thèses de Gaël Pietquin
La métaphysique n’est pas la seule à naître du langage. La sensualité le peut tout autant. L’écriture « parle » le paradis d’en Haut comme celui d’en bas, plus doctrinalement dit l’enfer. Elle surgit aussi du choc de ce haut et de ce bas, moins pour leur catégorie que par leur dissymétrie. Pietquin, jeune poète belge étonnant, le prouve. Construit en cascade, son livre ne lance pas de vérité fractale mais des énoncés paradoxaux source d’un univers archaïque mais qui renoue avec un esprit postmoderne des plus aiguisés, impertinents et habiles. L’aporie évite tout coming-out.
Une belle langue de bois dormant flèche le désir — mais en le flairant par la ruse d’un jeu de mains et d’un jus de vilain. Des insectes damnés rayonnent dans un plaisir accompli aux plis comme aux lamés moirés mais sans collet monté. Le rouge palpé n’est pas que celui des gorges des oiseaux du même nom. C’est tout autant celui de « l’étourdi » fou d’un « prince à colorier ». Voire plus si affinités.
Dans le droite ligne d’un Savitzkaya mais avec encore plus de liberté et de fantaisie, Pietquin prouve que la poésie a quelque chose à dire et à suggérer : elle n’est pourtant pas un simple carton d’invitation pour l’utopie. Le poète n’est pas de l’époque des atones automnes : son écriture suinte la sève en dépit des réalités quotidiennes. Il s’en soucie mais fait encore plus et mieux :
« Cent fois l’espadon ! sur le tapis d’amour est mesuré
Cent fois »
Preuve que le poète ne noie pas le poisson. La faim demeure dans l’étalon dont le poème devient l’ « arche » en ciel d’aube sur la grève où son auteur devient troubadour et trouvère du XXI ème siècle.
jean-paul gavard-perret
Gaël Pietquin, Rouge palpé, lithographie de Renée Spirlet, Atelier de l’Agneau, Saint Quentin de Caplong, 2014 — 14,00 €.