Aurélie Denis & Irina Rotaru, Catalogue Guillotine Me Guillotine You

La folie des sages

En atten­dant — comme cha­cun — leur exé­cu­tion capi­tale, Auré­lie Denis et Irina Rotaru res­tent les plus libres des créa­trices. Au Pater aus­tère elles pré­fèrent les Ave Maria sans doute parce que tous les vilains d’alentour veulent faire la fête (du moins ce qu’ils prennent pour telle) à leurs égé­ries. C’est pour­quoi leurs tra­vaux demeurent l’inverse de l’héroïsme et de la bam­boche mas­cu­line. Ils per­mettent d’affronter cau­che­mars et fan­tasmes. En ce sens elles forgent le vrai pour exal­ter l’artifice et garan­tir des moments par­fai­te­ment inutiles où leurs per­son­nages se contentent d’eus-mêmes. Dans ce but, leurs créa­trices pré­servent un sens du concret qu’elles ne confondent pas avec celui de la réa­lité. D’où les rendez-vous figu­raux qui ne sont en rien de vagues aspi­ra­tions à la rêve­rie et à l’érotisme. Aux fra­grances d’alcôve et d’amour est pré­féré le par­fum de l’humour. Sous ce mode rava­geur et pro­vo­ca­teur, les créa­trices remettent en ques­tion les nar­ra­tions sen­ti­men­tales. Elles brouillent les cartes du tendre loin des sala­ma­lecs libi­di­naux et par dif­fé­rents coups four­rés (de pièces de mon­naie par­fois). C’est une manière de don­ner un aperçu décalé sur les mœurs du mâle.

Les des­sins deviennent les icônes d’un anti-conte de fée par  compte de faits avé­rés plus ou moins non­sen­siques et dévi­dés de ce qu’ils feignent de mon­trer. Les corps fémi­nins en une roue­rie joyeuse sont trop patri­ciens pour être patriotes de la répu­blique des hommes à tête man­quante. Ils ne sont plus des avor­tons pla­neurs qui s’installent dans la car­lingue d’un corps fémi­nin comme des boud­dhas sur leur lotus. Epi­gones de peu de foi et loi, ils échouent en off des images. Auré­lie Denis et Irina Rotaru n’ont du plai­sir qu’étalant les fastes de syl­phides culti­va­trices de quelques négli­gences de leur des­tin. Loin d’idéaux à effi­ca­cité méca­nique, le des­sin rap­pelle que l’avion est né du vol au vent. Il prouve aussi que pour com­battre l’indigence « mâligne » il reste le meilleur des remèdes. Epi­gone insa­tis­faites des épis de maïs mas­cu­lins, elles les trans­forment en cornes flaques. Mais elles vont plus loin. Cha­touillant sous les branches les saules pleu­reurs, elles les tordent de rire (comme ceux qui s’y pendent). Puis elles déve­loppent des équa­tions dans l’Y des cuisses fémi­nines où la force de gra­vité fait salon dès que les créa­trices inventent l’impossible par le crayon. Preuve qu’elles ne sont pas comme les oiseaux de mas­cu­line extrac­tion. Eux ne vivent que de leurs plumes.

Jean-Paul Gavard-Perret

Auré­lie Denis & Irina Rotaru, Cata­logue, livre édité à l’occasion de l’exposition « Guillo­tine Me Guillo­tine You,

septembre-octobre 2°14, Gale­rie Hus, Sec­tion Pigalle, Paris, Edi­tions Der­rière la Salle de bain, Rouen, 12,00 €

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