Le cours insensé de la race humaine
Marcel Miracle fait vibrer le roman vieillissant dans les prodiges d’immobilité du désert. Exit les eaux tranquilles et les verts pâturages vaudois. Une fois de plus? son île de la Sonde se marie avec le sable où trois escogriffes aventuriers se retrouvent survivants d’un crash subsaharien. Espérant retrouver le dragonnier de Ténériffe qui détient le record de longévité, les trois anti-mages passent leur temps ( pour le tuer ) à pratiquer des jeux dont les gains escomptés tournent au mixage des temps, du rêve et de la réalité. Peu à peu? entre solitude et impolitesse poussent sous le cristal argenté de la lune et ses édifices moléculaires quelques silex. Mais les trois mousquetaires sous leur courtepointe de taffetas zinzolin n’en ont rien à secouer. Pas plus d’ailleurs que de nouveaux mystères humains conditionnéS par l’inhumain.
Néanmoins, des squelettes décolorés de ruines rupestres cherchent visiblement à donner plus de relief à la vie de ceux qui — l’esprit émergeant de l’instinct de conservation — trouvent dans l’inconfort un moyen d’améliorer le goût d’une vie où la religion du progrès finit par faire le progrès des religions. Par cette affaire étrangère, ce mélodrame blanc cousu de fil noir, Marcel Miracle — ouistiti de l’indépendance qui passe sa vie sous un palmier assombri de Tunisie ou sur les bords du Léman — pousse une fois de plus l’hilarité phonétique non vers le tic mais jusqu’à l’éclatement de l’écriture.
Peu à peu ses pages deviennent un empire sur lequel le soleil ne se couche plus. Les hommes y sont au mieux de bien petits bonhommes. Ils se refusent toutefois dans leur jeu de go home à l’idée déjà présente chez Eschyle : celle de transmettre une âme aux fétiches d’acier. Leurs gaffes les font donc moins Gaston qu’Achille surtout lorsqu’ils ont l’estomac dans les talons.
jean-paul gavard-perret
Marcel Miracle, Nuit d’émeute sur la piste, Editions art&fiction, coll. Re:Pacific, , 2014, 128 p. — CHF 34 / € 22.50.