Paru en 1931, ce deuxième roman de l’Irlandais James Hanley est interdit à la vente en 1934 pour obscénité
Paru en 1931, le deuxième roman de l’Irlandais James Hanley, livre contemporain de L’Amant de Lady Chatterley interdit dès sa parution, est saisi par la police en 1934 et interdit à la vente pour obscénité. Des auteurs comme H.G Wells, T.E. Lawrence, Henry Miller, Richard Aldington, E.M Forster se liguent aussitôt contre la censure (qui brûle aussi des exemplaires de l’Ulysse de Joyce). En Angleterre, à cette époque pas si lointaine de nous, on ne peut écrire librement sur la sexualité, sujet présent dans toutes les oeuvres de jeunesse de Hanley. Son roman Boy sera republié à Paris chez un éditeur spécialisé dans les rejetés du puritanisme britannique.
Depuis, les critères de l’obscénité ont tant changé qu’en vain on en cherche la moindre trace dans ces pages. La violence, en revanche est là, abondamment, la violence sexuelle aussi. En compagnie du sordide. De l’esclavage. De la cruauté. Un monde noir où Arthur Fearon qui n’a pas encore 13 ans quitte l’école pour aller gagner une misère en travaillant dans les docks de Liverpool. Rossé par son père, maltraité par les autres garçons, la terreur au ventre, risquant sa peau à chaque instant dans les entrailles marécageuses des cargos, le garçon refuse de continuer à vivre sous ces tyrannies. Jeté à la rue, l’enfant, pour qui la mer est le seul espoir de liberté, embarque clandestinement sur un bateau marchand en route vers Alexandrie. Découvert presque mort dans le charbon des soutes, il n’est ramené à la vie que pour subir l’oppression dans ce qui se révèle la pire des prisons flottantes. Joli garçon, il éveille les désirs du steward puis du cuisinier. Refusant de se soumettre à leurs dictats, il tombe à la merci de l’équipage entier, dont il devient le factotum. Corvées, humiliations et injures pleuvent, mais il devient matelot de pont.
A nouveau pointe l’espoir d’un avenir digne, mais le présent se charge de l’éteindre, plus sale boulot il n’y a pas. La mer n’a jamais été autre chose. Une servitude. Un esclavage. Encore un éclair de bonheur dans un bordel d’Alexandrie. Evasion totale de la réalité — la chair est décrite comme un refuge loin du monde des hommes brutaux tant détestés. Le prix de l’illusion est lourd : Fearon a attrapé la syphilis, ce qui équivaut à de grandes souffrances sans issue. Le capitaine, figure retrouvée du père abusif, abrège le destin tragique de son matelot en l’étouffant.
Tragédie de la mer, où l’individu est toujours broyé, Boy est une oeuvre d’un pessimisme accompli. Hanley, qui a grandi à Liverpool, a lui-même été mousse. Dans son autobiographie, il écrit :
C’était donc ça, la mer. Hier je l’adorais, aujourd’hui je la détestais. Elle vous mettait au pas, elle introduisait le chaos dans vos idées, vos espoirs, vos projets, elle réduisait en lambeaux toutes ces belles résolutions si bien que vous vous demandiez si tous ces merveilleux récits de mer n’étaient pas purement et simplement inventés par des esprits dérangés… La mer avait ses humeurs auxquelles il fallait se soumettre sous peine de sombrer.
colette d’orgeval
James Hanley, Boy (traduit par Jean Perier, préface de Jean-Pierre Durix), Joëlle Losfeld “Arcanes”, 2003, 268 p. — 10, 00 €. |
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