Henri-Michel Polvan : pagnoleurs s’abstenir
Henri-Michel Polvan est un des derniers poètes surréalistes du sud dans la lignée de Jean Malrieu. Il sait que le secret, étant indicible, reste inappropriable, incompréhensible, indiscernable mais qu’il peut toutefois surgir en face émergée d’un iceberg si le poète est capable de le percer selon des dissemblances déraisonnables et des révélations sans vraisemblance. Le surréalisme de Polvan répond à ces conditions. Elles font du Marseillais un poète lyrique trop méconnu car son œuvre se mérite entre des rues obscures et de beaux soleils tombés du vent. Dans les arcanes de tels textes, l’ “à-part” prend toute la place car la pensée des profondeurs qu’affectionne l’auteur ne peut se dire que chantournée en fictions poétiques qui jouent sur le lyrisme de l’envol. Par elle-même, cette levée est un tir à bout portant face à la cuistrerie et de la “paltoquetude”.
La poésie devient le lieu utopique réservé aux divagations qui détournent du sens supposé “propre”. D’où les lettres de “rupture” que propose Polvan afin de joindre le bitume du vieux port aux graviers des calanques. Par de tels missives et transferts, le secret n’est ni focalisé sur la vérité, ni sur l’erreur mais sur la différence à introduire au cœur de la parole et dans la “puissance” de l’image dont l’évidence n’est souvent qu’un évidemment. Trouvant une hybridité spécifique entre rêve, fétiche et réalité, le poète crée celles qui font oublier les textures d’absurdité et bien des saloperies par leur beauté particulière. Elle est souvent l’illumination dans la misère car le poète a de la tripe et du cœur. Sa poésie est affaire de travail exigeant mais surtout une histoire d’émotion.
On sent que la poète écrit “brut” et qu’il peaufine après. C’est pourquoi son œuvre agrège ou dissout mais ne laisse pas de marbre. Ses textes, vignettes, romans, petits essais brouillent les masques, dégagent les boîtes sardines qu’abandonnent des porcs. Chaque texte fraye avec l’énigme des choses cachées sous le chant des grillons ou au milieu des cris des gamins au maillot l’OM lorsque, de nuit, ils frappent leur ballon jusqu’au ciel pour tutoyer les comètes.
jean-paul gavard-perret
Henri-Michel Polvan, Missives du vent, Editions du Port d’attache, 7 rue de l’Eglise Saint-Michel (Marseille, 5°), 2014 — 6,00 €.
Merci, Jean-Paul, pour ce très bel article sur “Missives du vent”. Un petit livre qui, décidément, ne laisse pas indifférent ceux qui ont eu la curiosité de le lire.
Je vais en informer l’auteur.
Cordialement
J L