Alain Bournazel, Les rois maudits d’Angleterre

L’Angle­terre a elle aussi ses rois maudits

Et sans doute, entre le XIe et le XVIIsiècles, le sont-ils davan­tage que leurs cou­sins de France. C’est ce que démontre Alain Bour­na­zel dans ce livre très plai­sant, qui retrace l’histoire chao­tique du royaume d’Angleterre.

La com­pa­rai­son avec la dynas­tie capé­tienne est en effet édi­fiante. Alors que le royaume des lys se carac­té­rise par une très grande sta­bi­lité poli­tique et dynas­tique – même la crise liée à l’extinction de la lignée directe en 1327 se déroule sans heurts –, celui des léo­pards connaît de vio­lents sou­bre­sauts. Les dynas­ties se suc­cèdent. Après les Nor­mands, les Plan­ta­ge­nets semblent bien tenir en main le sceptre, jusqu’à ce que Richard II soit déposé au pro­fit d’Henri IV Lan­castre, père du grand Henri V qui fut bien près de réa­li­ser l’union des deux royaumes. Puis ce fut le mal­heu­reux Henri VI dont la mort bru­tale offre le trône aux York ; triste famille sur laquelle planent les fan­tômes des inno­cents enfants d’Édouard V, dis­pa­rus pour lais­ser le trône au ter­rible Richard III.
L
e règne des Tudors accu­mule drames fami­liaux, haines reli­gieuses, déca­pi­ta­tions sor­dides. C’est pour­tant cette dynas­tie qui donne à l’Angleterre et à l’Europe Henri VIII et Eli­sa­beth Ière. Les Stuart ne connaissent pas plus de bon­heur sur le trône anglais. Leur « malé­dic­tion » culmine avec l’exécution de Charles Ier.

On ne s’étonne donc pas que Sha­kes­peare ait puisé dans l’histoire royale de son pays l’inspiration pour écrire ses plus belles pièces poli­tiques. Quant à Alain Bour­na­zel, son éru­di­tion autant que sa belle plume per­mettent aux lec­teurs de suivre avec fas­ci­na­tion cette épo­pée des rois d’Angleterre, aux côtés des­quels l’histoire des rois de France fini­rait par paraître bien terne.
M
ais ne nous féli­ci­tons pas trop vite de la soli­dité du trône des Lys. Car, en effet, l’un des aspects qui res­sort très bien du livre est la lutte constante que la Cou­ronne a menée contre le Par­le­ment. Cette riva­lité de pou­voir consti­tue un fac­teur – et non des moindres – de l’instabilité poli­tique anglaise. Comme le fait remar­quer l’auteur avec jus­tesse, il faut attendre l’arrivée des Hanovre et la vic­toire finale des ins­ti­tu­tions par­le­men­taires, avec la créa­tion du poste de Pre­mier ministre, pour voir se clore le cycle des drames. L’existence de ce Par­le­ment, et sa vic­toire sur le pou­voir royal, a évité à l’Angleterre de connaître le sys­tème de la monar­chie abso­lue. Charles Ier a payé de sa vie sa ten­ta­tive d’imposer à son royaume le modèle français.

Tout cela n’a pas été vain. La défaite de l’absolutisme et la pré­émi­nence du Par­le­ment ont épar­gné à l’Angleterre de subir un cata­clysme iden­tique à celui de la Révo­lu­tion fran­çaise. Celle que les Anglais connaissent au XVIIème s’effectue au nom de la tra­di­tion par­le­men­taire, et non au nom de la table rase.
C
’est ainsi qu’ils ont pu offrir à l’Europe le modèle sans doute le plus par­fait et le plus stable des ins­ti­tu­tions politiques.

fre­de­ric le moal

Alain Bour­na­zel, Les rois mau­dits d’Angleterre, Per­rin, juin 2014, 436 p., 23.90 €

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