Eric Chevillard, Dans la zone d’activité

Eric Che­villard : sor­tie de secours

A chaque métier (28 au total), la langue d’Eric Che­villard glisse, dérape vers l’humour mais de manière de trou­ver le mot juste qui per­met de tirer une ligne de démar­ca­tion entre l’apparence et le réel. Elle pos­sède une liberté, crée des syn­copes qui déteignent mutuel­le­ment les unes sur les autres, s’entrelacent, se prêtent à des états d’âme, tissent des liens, des pauses dans une sorte d’opéra figu­ra­tif. Chaque por­trait devient une dan­seuse qu’anime Che­villard tra­vesti en Dora l’exploratrice. La richesse des nuances qu’il accorde au réel per­met au lec­teur d’ajouter ses propres cou­leurs men­tales à un tel jeu de société.
Entre mémoire et ima­gi­naire, une hybri­da­tion plus fan­tô­male que spec­ta­cu­laire pro­gresse dans l’assemblage d’activités pro­fes­sion­nelles. Cha­cune est hap­pée par le ver­tige mais Che­villard remet les choses à leur place, sort l’être de sa réserve d’orgueil et de pompe. Par exemple celle du maître-nageur qui ne fait que tour­ner « autour de la pis­cine en fai­sant cla­quer ses san­da­lettes de bois sur les dalles. Sem­blable au morse ou à l’hippopotame, pré­ten­du­ment aqua­tiques, plus sou­vent vau­trés sur les berges ou les ban­quises ». Manière pour lui d’asseoir l’autorité de son anti-savoir. En ce sens, la lit­té­ra­ture touche à l’organique face aux impos­tures qui assurent des ali­ments à l’inconscient collectif.

Chevil­lard traque ceux qui nous ter­ro­risent en fei­gnant l’absurde. Par ce biais il offre des liai­sons inat­ten­dues dans le point de fuite du visible et de l’énoncé « offi­ciels » en créant des dérives entre le fan­tas­tique et un expres­sion­niste lit­té­raire. Bien des impos­tures ( et les pos­tures qu’elles pro­duisent) sont mises à nue voire abat­tues par une dis­tance cri­tique. Chaque métier dégagé de ses illu­sions d’optique ou men­tales est sur le point de s’étaler comme une porte sor­tie de ses gonds.

jean-paul gavard-perret

Eric Che­villard, Dans la zone d’activité, Des­sins en cou­leur de Phi­lippe Favier, Fata Mor­gana, Fon­froide le Haut, 2014, 88 p. — 10,00 €.

1 Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Poésie

One Response to Eric Chevillard, Dans la zone d’activité

  1. Estelle Ogier

    Atten­tion au prix : il s’élève à 15 € !
    Respectueusement.

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