Le poète Louis Savary et le graveur Simon Baudhuin rappelle à bon escient que dans le moindre Pierrot d’amour se cache un goret. C’est sans doute pourquoi la truie altruiste n’espère rien des hommes. Que servirait de le cacher ? Le cochon n’est pas notre aporie mais notre germination. Il ne peut donc entrer dans une seule phrase tant se fomente en lui notre syntaxe primitive que nous voulons ignorer. Elle glisse pourtant sans cesse vers le tronc de nos heures. Ecrire le porc, le graver permet donc de s’arracher à l’erreur mystique. L’humanité depuis toujours est loin du monde des Idées : elle git dans les abattoirs. Dès lors se conçoit combien, si tout est bon dans le cochon, il n’en va pas de même chez le charcutier ou chez la charcutière qui prend froid dans ses frigos d’ “éternuité”. On reprochera un jour au premier d’avoir sali la seconde sans demander à cette dernière où sa charité s’arrêta.
Le cochon couche en nous comme on se vautre en lui. Il est notre hantise, notre coloris, notre soie, notre friandise. Afin de nous en défendre, nos ancêtres ont inventé le religieux. Mais ce dernier n’est devenu que le sens de notre moindre. En Dieu que l’homme créa, l’âme, perdant sa couenne, est aveugle. Pour la voir, la déité comme le pauvre ère doivent revenir à la bête. Le seul théâtre humain est donc animal, comme l’a rappelé Frédéric Grolleau dans Le cri du sanglier et L’homme et l’animal : qui des deux inventa l’autre ?. Le monde s’y conçoit sous un plus juste miroir. En ce sens, la vision porcine reste impossible pour les cœurs affaiblis par la courtoisie des amours platoniques. La bête dans sa dignité les réprouve. Elle rapproche ainsi de la lumière du grand soir. Celui de la victoire du cochon rose des amours terrestres (sans la faute) sur l’ange aux impures exhalaisons d’asexué.
jean-paul gavard-perret
Louis Savary & Simon Baudhuin, Haro sur la bête, L’âne qui butine éditions, Mouscron, Belgique, 2014 - 24, 00 e.