Nicolas Clément, Sauf les fleurs

Nais­sance d’un écrivain

Un écri­vain est né. Une telle affir­ma­tion ne peut pas se pro­non­cer – tant s’en faut — chaque année. Mais le roman décou­vert chez Buchet-Chastel porte en lui la pointe indi­cible d’une écri­ture où migre le lan­gage sans nul effet de style. Nico­las Clé­ment explore des nuits secrètes de la nature humaine à tra­vers une enfant nar­ra­trice. Elle res­tera sans doute mons­trueuse pour cer­tains ; sa voix donne à la fic­tion un rythme, un « son » qui frappe et joue juste. La vie à la cam­pagne sort des confits. Depuis  Mau­pas­sant et Ramuz, on n’avait pas dit mieux sur une telle thé­ma­tique. C’est dans le vent salé des pleurs ren­trés que tout se joue : sur­git l’innommable face à l’innomé d’une voix (ou d’un silence) et d’une loi pater­nelles et iniques.
Pour autant l’auteur ne règle pas de comptes. Dans son roman, il devient poète jusqu’au bout des ongles et sur­tout âme nue dans la clarté sourde du monde. Ecla­bous­sées d’étoiles et de fientes, la musique cas­sée de la révolte avance. Elle coule dans des che­mins per­dus et face à des visages sans espé­rances. Mais à voir trop abu­ser du silence gicle sou­dain une vérité d’évidence. Entre un accent grave et un sou­rire figé une mort sans adieu scelle l’arrivée d’un roman­cier du XXIème siècle.

Livreur non dis­pen­dieux de mots, Nico­las Clé­ment ne cherche pas l’épate mais une vérité. Il coupe ses phrases pour dévi­der au plus juste la bobine du réel par le chas des jours les plus blêmes. Une telle fic­tion devient le poème auquel les ailes sont arra­chées. Qu’importe : il sau­tille d’une phrase à l’autre pour rejoindre le ter­ri­toire glacé du pays inté­rieur d’une sœur et d’un frère. Si le second reste encore dans les limbes, la pre­mière a déjà atteint la lisière fai­ble­ment lumi­neuse d’un immuable envers dont chaque nuit souffle la mèche. Il est fort à parier que la fra­trie ne pourra pas vieillir. Ou trop mal.
Mais au le fil des phrases hale­tées — comme sur un cahier d’écolier aux pages racor­nies– les taches qui jamais ne pour­ront s’endormir portent l’indicible de la dou­leur vers le triomphe d’une néces­saire ven­geance. Elle aura bien sur­pris celui qui aurait été encore plus aba­sourdi et sonné par la force des mots de sa fru­gale engeance. Cer­tains sont pour­tant un sac d’amour coupé en deux. D’autres, les fruits muris pré­ma­tu­ré­ment de la bouche du silence.

jean-paul gavard-perret

Nico­las Clé­ment, Sauf les fleurs, Edi­tions Buchet-Chastel, Paris, 2014, 75 p. - 9,00 €.

Leave a Comment

Filed under Chapeau bas, Poésie, Romans

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>