Lycées militaires : après la guerre invisible, la gestion ostensible

Une pri­mauté  admi­nis­tra­tive  contre feues les “valeurs” défen­dues par les lycées militaires

A l’heure où les réduc­tions bud­gé­taires sont de rigueur, le minis­tère de la Défense mul­ti­plie les ins­pec­tions de ses éta­blis­se­ments d’enseignement, notam­ment ses lycées mili­taires afin de s’assurer que les deniers de l’Etat y sont dépen­sés à bon escient. Or, une polé­mique agite l’un des plus pres­ti­gieux d’entre eux, situé aux portes de Paris : le lycée mili­taire de Saint-Cyr l’Ecole.
Mal­gré la volonté de la direc­tion des études de ne pas ébrui­ter l’affaire, des parents d’élèves des classes de ter­mi­nales de l’établissement signalent qu’un des pro­fes­seurs de phi­lo­so­phie de l’institution répu­tée a vu les coef­fi­cients de ses notes modi­fiés de façon uni­la­té­rale et arbi­traire par le pro­vi­seur et le proviseur-adjoint de l’établissement à la veille des conseils de classes du 2e tri­mestre. Atteinte into­lé­rable au prin­cipe de sou­ve­rai­neté péda­go­gique, fal­si­fi­ca­tion éhon­tée des moyennes des classes figu­rant sur le sys­tème natio­nal Admis­sion Post-Bac, tout indique  que l’équipe de direc­tion a confondu l’administratif et la péda­go­gie, our­dis­sant en toute conscience un crime de lèse-majesté philosophique.

Nou­vel­le­ment nom­mée  à la ren­trée de sep­tembre 2013, la direc­tion des études, qui n’est pas à un méfait près,  est accu­sée par le corps ensei­gnant de mener une poli­tique de sexisme déplacé et de népo­tisme assumé en jetant la dis­grâce sur les femmes enceintes et les ensei­gnants souf­frant d’un han­di­cap sou­dain. De pri­vi­lé­gier le recru­te­ment annua­lisé de vaca­taires ou contrac­tuels et de pro­cé­der en échange au “remer­cie­ment” des ensei­gnants diplô­més en place, par­fois de longue date, les­quels sont de moins en moins renou­ve­lés dans leur déta­che­ment de l’éducation natio­nale au minis­tère de la défense, autant d’élémens inquié­tants trans­mis au géné­ral ins­pec­teur de l’Armée de Terre lors de sa visite de l’établissement fin avril 2014. Après les ravages de “la guerre invi­sible” (nar­rés dans l’essai épo­nyme paru chez Gras­set en avril 2014) qui mettent en exergue les atteintes por­tées aux femmes dans les divers corps d’armée , c’est désor­mais “la ges­tion osten­sible” affi­chée par la direc­tion des études du lycée mili­taire de Saint-Cyr L’Ecole qui effraie.

L’on s’interroge en effet sur la liberté de nota­tion et d’appréciation objec­tive du tra­vail des élèves dont peuvent faire état les ensei­gnants dans un sys­tème inhé­rent à la Grande Muette où ils sont en per­ma­nence sou­mis à une épée de Damo­clès fai­sant que, s’ils n’attribuent point les notes qui ont l’agrément de leur direc­tion, comme l’a écrit expli­ci­te­ment le pro­vi­seur du lycée mili­taire au pro­fes­seur de phi­lo­so­phie  concerné, ils se voient reti­rer leur poste. Le scan­dale est tel, à 15 jours des épreuves du bac­ca­lau­réat natio­nal, que l’Inspection Géné­rale, plus haute auto­rité en la matière en France, est inter­ve­nue offi­ciel­le­ment dans un cour­rier adressé au pro­vi­seur en avril der­nier afin de rap­pe­ler les limites dévo­lues à l’administration, fran­chies avec allé­gresse dans ce cas d’espèce. Et de dénon­cer une pri­mauté, à la limite de l’illégalité, qui dérange et s’inscrit en porte-à-faux avec les “valeurs” — de loyauté et d’honneur entre autres —  défen­dues par les lycées mili­taires régis par le Com­man­de­ment des Forces de l’Armée de Terre.

Fort de dix der­nières années pas­sées à ensei­gner dans  les éta­blis­se­ments de la défense, le pla­to­ni­cien phi­lo­sophe de la caserne qui subit depuis le début de l’année 2014 une pres­sion inces­sante pour qu’il capi­tule face à la direc­tion des  études  et qui a été dégradé dans sa note admi­nis­tra­tive annuelle a mis en oeuvre, non sans prag­ma­tisme, la sagesse qui lui parais­sait la plus indi­quée : il a décidé, après tant d’années de bons et loyaux ser­vices ren­dus à la nation, de quit­ter l’établissement.

Pablo du Jarossay

2 Comments

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2 Responses to Lycées militaires : après la guerre invisible, la gestion ostensible

  1. Jean-Paul Gavard-Perret

    Ce qui est jus­te­ment mis en exergue ici est insup­por­table et témoigne d’un mépris pour l’enseignant incri­miné à tort. Tout être sensé ne pourra que regret­ter son départ de l’établissement. Cet évè­ne­ment est pitoyable et lamen­table : il n’honore pas ceux qui se sont prê­tés à un tel for­fait moral douloureux.

  2. Villeneuve

    Le Mon­sieur Phi­lo­sophe n’a pas gardé le doigt sur la cou­ture du pan­ta­lon . Il a rai­son . Dans la conjonc­ture fort bien expli­ci­tée démis­sion vaut mieux que sou­mis­sion . Hon­neur au sieur vrai et ” clean ” seigneur !

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