Le Coran est-il inspiré de la Bible ?
La Bible a donné lieu à une quantité impressionnante d’études, tant sur ses origines terrestres que sur ses interprétations, même si elles sont parfois fantaisistes. Elle reste, par sa richesse et son aura, un des sujets favoris de nombre d’auteurs de romans relevant du genre ésotérique ou le point de départ de thrillers endiablés impliquant le Vatican.
Le Coran n’a pas fait l’objet d’études de cette nature car des croyants dogmatiques n’acceptent pas l’idée que ce texte ait une origine autre que divine, qu’il n’ait pas été transmis de Dieu à Mahomet, par l’intermédiaire de l’ange Gabriel. Aussi, quand un auteur se penche sur ce livre, sur ses racines, sur son origine et en fait le sujet principal d’un roman policier, cela mérite l’attention. Et, avec ce nouveau livre de Philip Le Roy, le lecteur n’est pas déçu.
L’intrigue débute par un attentat à Beyrouth, puis se projette trente ans plus tard. À Jérusalem, Simon Lange, en compagnie de Markus, soigne par l’alcool, les chocs qu’il vient d’encaisser. Il a perdu ses parents dans un accident, une lettre de son père lui annonce qu’il a été adopté et qu’il trouvera tous les documents sur ses origines à Jérusalem, dans un coffre. Or, le coffre a été vidé. Markus, rencontré aux obsèques, l’accompagne depuis. Ce soir-là, en état d’ébriété avancé, Simon fait le pari de passer la Porte du Messie, un mur de plusieurs mètres d’épaisseur. Markus allume son téléphone portable pour filmer la scène. Le jeune homme s’élance en titubant, un garde fait des sommations, tire et Simon…disparaît.
C’est dans la salle de dégrisement d’un poste de police qu’il retrouve péniblement ses esprits, ne pouvant expliquer comment il s’est retrouvé sur l’esplanade des Mosquées, les lieux les mieux gardés de Jérusalem. Il espère que Markus éclaircira le mystère, mais celui-ci a disparu et son petit appartement est dévasté. Dans le désordre, il prend connaissance d’un reçu pour un vol vers Berlin. En route vers l’aéroport, il est enlevé par deux hommes qui recherchent également Markus. Il s’échappe et, pour retrouver son ami, mettre la main sur les documents réunis par son père, il commence un périple mouvementé. Il comprend vite que son père adoptif et Markus se connaissaient et travaillaient sur l’origine du Coran. C’est à Paris qu’il rencontre Sabbat, une jeune chargée de mission à l’Unesco qui l’aide et l’assiste dans ses recherches. Ses ennemis ne désarment pas. Il va de révélations en révélations jusqu’à réunir la preuve que l’origine du Coran n’est pas celle enseignée par le dogme…
Philip Le Roy se met en scène en révélant qu’une femme voilée lui a remis, alors qu’il est en dédicaces au Salon du Livre de Porto-Vecchio, un sac de documents. Après étude des notes des carnets, des photocopies, aidé par un théologien, il décide de raconter l’itinéraire hors du commun d’un homme qu’il appelle Simon Lange (sic !) Dans les documents il est stipulé : “En Syrie… Là où tout commence.” L’auteur nous invite alors à un fabuleux et passionnant voyage dans l’histoire de ce qu’on nomme aujourd’hui le Moyen-Orient, conjugué à l’action tonique d’un thriller ébouriffant. En effet, les héros sont constamment sur la brèche, parcourent nombre de pays d’Europe et du bassin méditerranéen. Ils luttent, se battent, font le coup de poing, font le coup de feu, vont de découvertes en révélations sur un tempo endiablé. Certes, il faut parfois faire l’impasse sur des facilités scénaristiques. Mais l’action est tellement tonique qu’on se laisse entraîner avec plaisir.
Si l’action est permanente, l’intrigue se construit avec un apport d’informations historiques conséquent. L’auteur, assisté de Guillaume Hervieux, un spécialiste en histoire des religions, fonde son récit sur des recherches historiques, théologiques, linguistiques, archéologiques et littéraires qui restent, encore aujourd’hui, relativement confidentielles. Les éléments avancés, les informations données prouvent que la nature divine de la révélation ne tient pas et explicite la manipulation qui en a été faite. Il démontre que le Coran est né d’une stratégie politique, d’abord judéo-nazaréenne, puis arabe. Ce Livre saint a été conçu comme un instrument de pouvoir initié par les nazôréens (un courant qui mêle judaïsme et Jésus) dans le projet de reconquérir Jérusalem. Ce projet échoue, mais il est repris par le Premier Calife en 638 qui transforme un Coran Coranicum, élaboré à partir des lectionnaires qui ont soudé les tribus arabes, en une version plus adaptée à ses besoins.
L’auteur explicite ainsi les différents courants de l’islam, les raisons qui opposent les sunnites et les chiites. Il relate et explique l’histoire des alaouites, les liens avec les califes, mais aussi, plus proche de notre époque, les liens avec les nazis, la fondation des Frères Musulmans. Il évoque les Sumériens, une civilisation qui est à l’origine de presque toute la culture méditerranéenne. Il introduit également, pour expliquer un “miracle”, la physique quantique et l’effet tunnel qui permet à une particule de franchir une barrière.
Philip Le Roy manie facilement l’humour en faisant, par exemple, d’un candidat au messianisme, un individu qui se saoule régulièrement, mais surtout dans les rapports et les échanges entre les deux héros. Le romancier donne une bibliographie qui, loin d’être exhaustive, semble déjà bien complète. De plus, ce récit suscite l’envie d’aller plus loin, d’en savoir d’avantage sur ce creuset religieux, sur la réalité de ce culte.
Philip Le Roy allie ainsi à un thriller de grande classe un digest de quatre mille ans d’Histoire.
Du même auteur, dans l’esprit de ce cycle, lire notre chronique de L’Origine du Monde
serge perraud
Philippe Le Roy, La Porte du messie, préface de Guillaume Hervieux, Cherche Midi, mai 2014, 384 p. — 19,00 €.