Grande figure des généraux de la Seconde Guerre mondiale, le maréchal Montgmorery ne bénéficiait jusqu’alors d’aucune biographie en français. Vide d’autant plus curieux quand on connaît le rôle que ce chef militaire a joué dans les grandes victoires alliées. Antoine Capet comble cette lacune historiographique grâce à ce très beau livre publié dans la collection Maîtres de guerre des éditions Perrin. Nourri d’une vaste bibliographie anglo-saxonne et écrit avec clarté, tout en approfondissant l’analyse des hauts faits d’armes du vainqueur d’El Alamein, l’ouvrage se lit très facilement.
Ce fils d’évêque (au vrai sens du terme !) connaît le parcours classique d’un officier de Sa Gracieuse Majesté du début du XX° siècle. Il fait Sandhurst d’où il faillit être renvoyé pour une sombre histoire de bizutage…, puis est envoyé servir dans l’Empire colonial, aux Indes notamment, avant de connaître l’expérience de la Grande Guerre. Expérience fondatrice puisque, outre le fait qu’il faillit être enterré vivant, il fut marqué par les tueries provoquées par l’esprit offensif des états-majors de l’époque. A partir de là, il ne déviera jamais de son axiome : « les offensives doivent se borner à des attaques concentrées contre des objectifs limités », et après une préparation minutieuse. Il n’en démordra jamais, ce qui lui assurera une grande popularité auprès de ses hommes.
Ses grandes victoires contre l’Allemagne portent la marque de cette analyse en profondeur de la guerre industrielle : préserver les hommes du feu qui tue, assurer le maintien de la logistique. Il gagne contre Rommel à El Alamein par « des attaques massives sur des fronts étroits avec des objectifs limités », par surprise, en sachant reculer quand l’ennemi résiste. Le doute sur la pertinence de sa doctrine ne l’a jamais habité : c’est elle qui le conduit de victoires en victoires, depuis la Sicile jusqu’à la campagne d’Allemagne, en passant par la Normandie.
L’autre aspect révélé par la biographie d’Antoine Capet concerne la personnalité de Montgomery. Vaniteux, persuadé d’avoir raison envers et contre tous, pris au piège de sa propre légende, il n’épargne aucun de ses frères d’armes, aucun de ses alliés, aucun responsable politique. Il sait tenir tête aussi bien à Churchill qu’à Eisenhower qu’il méprise souverainement. Superbe avec les politiques et se moquant de leurs pressions comme d’une guigne, il entretient des relations maussades avec ses supérieurs. Mais ses soldats l’adulent, conscients du prix qu’il attache à leur vie à leur bien-être.
Statufié de son vivant par la propagande britannique, il atteint la gloire et les plus hautes fonctions militaires sans jamais pouvoir vraiment se retirer. La mort finira par l’arracher, et ce n’est qu’à ce moment-là qu’il exprimera des craintes devant l’imminent Jugement, pour les vies anéanties par la guerre.
A la guerre, le doute serait-il une faiblesse ?
frederic le moal
Antoine Capet, Montgomery. L’artiste des batailles, Perrin, mai 2014, 395 p.- 23,00 €
A noter une autre biographie de Montgomery, par Feldmann et Mas, aux éditions Economica.
Cette autre biographie prend un angle plus réfléchi et plus profond, et surtout plus moderne, en n’hésitant pas à remettre en cause la version traditionnelle du personnage.
PS: un lien: http://www.amazon.fr/Montgomery-Biographie-Daniel-Feldmann/dp/271786699X/ref=la_B00IIMKQD8_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1402870532&sr=1–2